Dans la chambre de Vanda, potentialités contradictoires du hors-champ sonore

Résumé Fr

Les analyses du film de Pedro Costa se sont essentiellement intéressées au geste radical du cinéaste filmant seul pendant plusieurs années dans la chambre une jeune femme d'un bidonville de Lisbonne ainsi qu'à la puissance des images réalisées avec une petite caméra et quelques miroirs. On en oublierait presque qu'aux côtés du cinéaste se tenait un preneur de son, Philippe Morel, parfois relayé par Mathieu Imbert. En effet Pedro Costa ressentit vite les limites de son outil en matière d'enregistrement sonore et comprit combien, s'il décidait de concentrer son film dans les espaces sombres et exigus des chambres et des ruelles, il devait penser un son qui mettrait les images en tension avec un ailleurs, ou même un au-delà tant le film semble venu d'un monde suspendu entre la vie et la mort. Le hors-champ sonore lui permet de rattacher les personnes filmées à une communauté, redonnant à leurs présences fantomatiques une vitalité potentielle. Pourtant, face à cette « opération de sauvetage » d'une image morbide par un son toujours survivant, le hors-champ sonore construit aussi violemment l'inverse. Les incessants bruits de chantiers menacent de détruire à tout moment les fragiles espaces clos et protecteurs dans lesquels se réfugient les images : tandis qu'à l'image quelque chose d'immuable s'impose, le son est en constant mouvement, allant jusqu'à la menace de l'effondrement. Nous proposons d'étudier ici les tensions entre ces deux potentialités de l'espace sonore en nous appuyant sur le témoignage inédit du monteur son du film, Waldir Xavier.