Patrick Le Gouée et al., « SCALES: an environmental model to measure effects of spatial and inter-annual agricultural landscape evolution on the soil erosion sensitivity. A case study in bocage area (Basse-Normandie, France). », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.sz05yr
En Basse-Normandie, l'érosion hydrique fragilise depuis plus de 30 ans la fertilité des sols cultivés et la qualité de la ressource en eau. La lutte contre l'érosion des sols, engagée par les acteurs et gestionnaires locaux, nécessite de disposer préalablement d'un diagnostic d'échelle fine de l'aléa érosion des sols. Expérimenté à l'échelle du Calvados (5500 km²), le modèle SCALES (Le Gouée and Delahaye, 2007) a pour vocation de devenir un outil de grande précision dans l'identification et la localisation des parcelles agricoles potentiellement sensibles à l'érosion. La détermination de l'aléa érosion repose sur des données d'entrée caractérisant les 4 facteurs agissant sur l'érosion des sols (Wischmeier and Smith, 1978). L'estimation de l'aléa repose tout d'abord sur la conversion des données d'entrée en niveaux de pression (0 : pas de pression, 5 très forte pression). Les niveaux des données d'entrée sont ensuite combinés selon une démarche additive. Cette démarche est également appliquée entre niveaux combinés et niveaux de données d'entrée afin de mesurer la Sensibilité Potentielle des Milieux (SPM) à l'érosion mais aussi entre niveaux combinés pour générer les valeurs de l'aléa érosion. Le modèle montre que deux situations conduisent à l'absence d'aléa 0 : lorsque les pentes sont inférieures à 1% (niveau 0) et lorsque les terres sont occupées par des prairies permanentes (niveau 0 des pratiques agricoles). La structuration hiérarchique du modèle SCALES souligne un classement des données d'entrée qui repose à la fois sur des positions scientifiques connues, sur des dires d'expert et sur des données empiriques recueillies pendant 2 ans sur le terrain concernant la genèse du ruissellement érosif. L'une des spécificités du modèle tient au choix de l'unité spatiale d'intégration des données : l'îlot PAC ou la parcelle agricole. La prise en compte par le modèle de l'organisation parcellaire de l'espace agricole et de son évolution inter-annuelle (rotations culturales, gestion des intercultures) permet de mesurer l'impact des changements d'état rapides des paysages agricoles sur la sensibilité des milieux à l'érosion des sols (Mignolet et al., 2003). En outre, l'intégration dans SCALES des dynamiques agricoles et paysagères actuelles conduit à développer des simulations soulignant les conséquences environnementales positives ou négatives des changements attendus de l'organisation des paysages agricoles. Pour illustrer ces deux aspects du modèle SCALES, nous proposons une étude de cas dans un espace bocager en pleine recomposition agricole et paysagère (bocage virois). En effet, depuis le milieu des années 80, les trajectoires d'évolution des exploitations agricoles de cette zone sont caractérisées par un mouvement d'agrandissement foncier et une forte intensification fourragère. Ce mouvement se traduit par un recul important des prairies permanentes en grande partie compensée par une augmentation des surfaces en maïs-fourrage et en cultures de vente (céréales et colza). Un travail d'enquête de terrain exhaustive auprès des agriculteurs a permis de comprendre la structuration spatiale des territoires d'exploitation et l'organisation des pratiques agricoles à différentes échelles spatiales et temporelles. Ainsi, en accord avec Renard (1972) et Soulard et al.,(2004), nous observons que les déterminants de la mobilité spatiale des fonctionnalités productives dans l'espace parcellaire local s'expliquent par la structuration de la mosaïque des territoires d'exploitation liée à la taille, au morcellement parcellaire, à la distance des parcelles au siège d'exploitation. L'objectif de la communication est de démontrer la plus-value apportée par notre modèle à propos de l'évaluation actuelle et prospective des impacts environnementaux de l'organisation spatiale et de l'évolution inter-annuelle de paysages agricoles contrôlés par ces déterminants à partir de l'étude de cas d'un bassin versant du bocage virois.