2022
Cairn
Aurzelle da Silva, « La Chasse royale – l’image en mouvement et sonore : la peinture murale énigmatique de la chapelle Sainte-Radegonde à Chinon – un essai », Cahiers de civilisation médiévale, ID : 10670/1.sz3f7w
La peinture murale désignée comme La Chasse royale a suscité beaucoup d’intérêt et de débats depuis sa découverte, grâce à une image montrant cinq cavaliers à cheval, dont deux couronnés en son sein. La composition, qui est sublimée par un sens des couleurs aiguisé et rythmé, par des mouvements et des gestes forts, ainsi qu’une finesse des détails, reste énigmatique et incomprise. Située dans une chapelle troglodyte près du château de Chinon en Indre-et-Loire, alors siège de pouvoir des Plantagenêt, sa datation est estimée entre le milieu et le dernier quart du xiie siècle, moment de leur dynastie. L’axe de recherche privilégié a été d’identifier les personnages qui y sont représentés et le contexte. Si c’est Henri II qui est normalement dépeint comme le roi à la tête du cortège, c’est le personnage sur l’axe médian de la composition qui intrigue le plus par son geste à la plus forte amplitude tout en se tournant et se penchant en arrière sur son cheval et que l’on identifie le plus souvent comme Aliénor d’Aquitaine elle-même. Au-delà de ces questions d’identité et de contexte, La Chasse royale utilise tous les moyens de la peinture médiévale afin d’inviter le spectateur à se faire sa propre expérience immersive et sensorielle. En effet, la perception médiévale est dynamique et plurielle, faite pour ressentir profondément son expérience entre deux mondes et permettant ainsi d’engager l’imagination et la mémoire, dans un voyage cognitif. À une époque où tous les arts sont liés au point où l’un implique l’autre, la pluralité de la compréhension offre au peintre ou aux peintres la capacité de les mettre en œuvre en rendant une image cinétique, accompagnée de son aspect sonore. L’image nous mène entre les premiers et les arrières plans d’une véritable tapisserie, d’un canevas où s’entrelacent les couleurs, les mouvements et les gestes. Il crée ainsi des relations et des chiasmes entre les personnages, mais également un rythme : celui de leur interaction, celui de leurs gestes, celui du mouvement des cavaliers et de leur monture tout comme celui du son de leur galop. Vue de cette manière, La Chasse royale se montre dans toute sa force, comme un film d’une chorégraphie précise, visuelle et sonore qui, par le tissage de ses interactions, dévoile peut-être un peu plus la complexité de son histoire.