6 juillet 2017
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Ana Belén Cánovas Vidal, « Poésie et histoire dans le dernier tiers du XXe siècle espagnol : le cas de Javier Egea (1952-1999) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.t27sld
L’élan créateur consécutif à la guerre civile espagnole (1936-1939) reste très vif dans les générations de poètes qui écrivent en Espagne vers les années 50 ; c’est ce que l’on appelle poesía social, où l’on classe habituellement des noms tels que Blas de Otero, Gabriel Celaya ou José Hierro. Le ton combatif des années de guerre (Alberti, Hernández) devient alors résigné et seule une pointe d’espoir semble surgir de cette poésie radicalement solidaire. Quelques années plus tard, pour une nouvelle génération poétique (Jaime Gil de Biedma, José Agustín Goytisolo, entre autres) il ne s’agit plus d’écrire une poésie de circonstances, mais de donner voix à leurs inquiétudes personnelles, même si celles-ci sont étroitement liées au devenir collectif de leur pays. Habituellement on considère que ce type de poésie engagée termine avec l’avènement, dans les années 70, des Novísimos, groupe de poètes cherchant, bien au contraire, à faire une poésie aux antipodes de la triste réalité espagnole. Ces poètes ont besoin d’actualiser un horizon lyrique suranné et de donner à la poésie une dimension ludique absente de la poésie espagnole depuis les avant-gardes des années 20-30. Il n’en est pas moins que cette prise de position très critiquée constituait également une réaction subversive. Pour ces jeunes poètes il fallait résolument aller de l’avant et ne pas laisser la poésie espagnole, qui avait connu des heures si brillantes, s’engouffrer elle aussi dans les enfers d’un régime dictatorial. Ce changement de paradigme va à son tour se voir en quelque sorte interrompu dans les années 80 par le groupe poétique La otra sentimentalidad, qui revient à la poésie liée étroitement à l’histoire, cette fois-ci en pleine movida, ce mouvement social et culturel qui dynamitait les mœurs espagnoles et qui coïncidait avec l’arrivée des socialistes au pouvoir, en 1982. Il s’agira désormais de concevoir la littérature comme discours idéologique et d’en assumer l’historicité radicale. Javier Egea, membre fondateur du groupe de Grenade et figure centrale de ce travail, s’évertue non seulement à intégrer les réflexions matérialistes dans son œuvre, surtout dans ses recueils capitaux (Troppo mare, de 1984, Paseo de los tristes, de 1982, et Raro de luna, de 1990), mais aussi à cultiver une poésie qui évoque les événements historiques de manière directe, notamment dans ses poèmes dispersés ou inédits. C’est sur cette œuvre et sur les liens qui se tissent entre poésie et histoire dans le dernier tiers du XXe siècle espagnol que ce travail se propose de réfléchir.