1 janvier 2016
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Claire Chatelain, « Les relations entre frères et soeurs en système coutumier parisien, dans le milieu des officiers : de la solidarité au conflit structurel, XVI e -XVII e siècles », HAL-SHS : histoire, ID : 10.3726/978-3-0352-0345-5
Le lien fraternel constitue l'un des liens primordiaux dans l'établissement pratique de l'institution familiale, tout aussi bien un opérateur de sa reproduction que le révélateur de ses mutations survenues au cours du dernier tiers de la période moderne (du milieu du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle) 1. Avant de comprendre ce processus, une première étape de réflexion serait de se demander de quelle manière l'attache fraternelle peut être caractérisée en tant que notion historique. Tout d'abord, il s'agit d'un lien biologique, qui reçoit une acception culturelle différenciée selon les systèmes de parenté et leur définition de la consanguinité lignagère 2. Au royaume de France, à partir du Moyen Age, ce lien a procédé d'un principe relativement indifférencié 3 , en a reçu des effets juridiques forts et a également revêtu un sens métaphorique puissant, qui du Christianisme à notre République l'a inscrit en projet dans son pacte fondateur. Inscrit au projet ontogénétique (tenant à l'essence de l'humanité) de droits humains, l'idéal de fraternité a pu être élevé en tant que motion plus puissante que celui d'égalité, si l'on songe à la célèbre remarque de Tocqueville, tant de fois récupérée par les doctrines contre-révolutionnaires, quant au risque que fait naître le souffle révolutionnaire : que l'amour de l'égalité ne tue la fraternité. En considérant cette charge critique introduite par la catégorie de fraternité, amour fraternel versus volonté d'égalité totale, est posé de fait le problème historique et anthropologique de l'inégalité entre consanguins collatéraux et donc de la hiérarchie dans la fratrie. Cette inégalité est due à l'ordre imprescriptible de la naissance et s'inscrit donc dans le temps des contraintes de la genèse de l'individu, tout comme (en général) l'assignation d'un sexe. Le paradoxe consiste en ce que cette inégalité chronologique et statutaire se constitue tout autant dans la parité-ici d'origine, lorsque le père et la mère sont communs, ou l'un des deux, en une égalité de filiation qui est devenue statutaire avec le Code Civil de 1804 et inclut depuis 1972 les enfants naturels, par une acception juridique, on le voit, très récente 4. Néanmoins, dans les trois cas, égalité de statut n'a pas coïncidé avec égalité devant la transmission. Par ailleurs, aujourd'hui encore, le fait des positions différentes dans l'ordre de la fratrie (aîné, puîné, cadet) joue un rôle déterminant dans les processus de reproduction et/ou d'ascension sociales. Durant l'été 2008, le quotidien Le Monde avait publié une série thématique consacrée à des fratries actuelles, dont un article documenté montrait qu'aujourd'hui, l'aîné, fille ou garçon, était celui qui réussissait tendanciellement le mieux en termes de CSP 5. Une caractéristique sociologique qui atteste que la relation de fraternité établit une tension majeure dans le processus de développement psychique individuel (psychogenèse) de