Supermarché des icônes et surprises des images

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2020

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Yves Citton, « Supermarché des icônes et surprises des images », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.tl8ox6


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De la caverne de Platon à la matrix des Wachowski, les imaginaires d'immersion dans un monde d'images souscrivent fréquemment à ce qu'on pourrait appeler un principe d'homogénéité des images. Les dispositifs qu'ils proposent pour nous faire comprendre notre état d'immersion leurrante peuvent certes distinguer différents niveaux, correspondant à différentes modalités d'apparences. Les figures agitées devant l'entrée de la caverne sont clairement distinguées des ombres qui se projettent sur la paroi ; les plongées dans le monde des illusions sont contrôlées par les flux de données qui pleuvent verticalement sur les écrans de la matrice. Et pourtant, dans un cas comme dans l'autre, les humains se trouvent soumis au « pouvoir des images » comme si « les images » constituaient un régime de réalité homogène et autosuffisant. C'est ce que j'aimerais remettre en question dans les pages qui suivent. Les étages du supermarché De Walter Benjamin à Peter Szendy, en passant par Marx et McLuhan, le supermarché des images s'articule en termes d'innervations 1. La circulation des images et celle des influx nerveux forment un système, où le déferlement des premières donne la raison des tensions qui affectent les seconds. Au lieu d'un défilement d'ombres sur la paroi d'une caverne, ou d'une pluie de lignes de code sur un terminal d'ordinateur, nous sommes invité·es à envisager le supermarché des images comme un super-conducteur d'influx nerveux recouvrant la planète Terre d'un fin réseau de sensibilité transindividuelle. Vilém Flusser a remarquablement synthétisé, dès la fin des années 1970, cet imaginaire du supermarché des images : Le supermarché et le cinéma forment les deux pâles d'une hélice, d'un ventilateur qui tourne au-dessus des têtes de la masse, et dont la fonction est de la propulser vers le progrès. Au cinéma, la masse est programmée pour la consommation, et elle s'échappe du supermarché, où elle a consommé, pour être reprogrammée au cinéma. Une telle circulation entre programmation, réalisation du programme, et reprogrammation, constitue le métabolisme de la masse 2. Pour mieux comprendre ces mécanismes de programmation nerveuse-et surtout les jeux permis au sein de ces mécanismes-il serait judicieux de scruter plus précisément les différents étages du supermarché des images de façon à en déplier la structure verticale et pluraliste. Benjamin Bratton vient justement de proposer un modèle remarquablement puissant pour corriger l'illusion d'un réseau de socialité électronique mettant les vieilles hiérarchies à plat, par la grâce d'un cyberespace où votre correspondant ne sait pas que vous êtes un chien 3. Il réintroduit une forte verticalité au coeur de l'immanence de nos relations numériques, distinguant six strates au sein de cet « empilement » (le Stack) qu'est aujourd'hui 1 Peter Szendy, Le supermarché des images, Paris, Minuit, 2017. 2 Vilém Flusser, Post-histoire, Paris, T&P Publishing, 2019, chap. VIII « Notre rythme ». 3 Un exemple emblématique de cette représentation aplatie du supermarché planétaire des images est fourni par le bestseller de Thomas Friedmann, La Terre est plate, Paris, Tempus Perrin, 2010.

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