2019
Cairn
Sophie Vasset, « Robinson Crusoe and the Aesthetic of Survival », Études anglaises, ID : 10670/1.tm3yfk
L’île déserte est un lieu commun dans la culture occidentale qui permet d’évoquer une situation de survie fantasmée, mobilisée pour parler de nos valeurs et de nos références : le livre ou le disque que l’on emmènerait sur une île déserte sont ceux dont on ne peut se lasser. Les récits d’une situation de survie permettent ainsi d’explorer nos priorités et nos besoins, ou de reconnaître notre savoir-faire. Le succès des guides, des films et de la télé-réalité de la culture survivaliste contemporaine confirme cette fascination du monde occidental pour la survie. Depuis 1719, Robinson Crusoé est devenu une référence incontournable. Ce récit fondateur émarge à toutes les fonctions du scénario de survie : en redécouvrant son livre, la Bible, le héros redéfinit ses valeurs ; il explore ses compétences et mesure la diversité des savoir-faire de sa propre civilisation en découvrant tous les métiers nécessaires à la vie humaine tels que la cuisine, la couture, la poterie ou la fabrication des armes. Mais Robinson Crusoé n’est pas le seul récit de Defoe où les personnages sont dans une situation où leur survie dépend de leur propre capacité de choisir et d’agir : la survie sous-tend l’action des nombreuses fictions écrites et publiées par Defoe de 1719 à 1724. Cet article suit la manière dont l’intrigue de la survie réapparaît dans Capitaine Singleton, Journal de l’année de la peste, Colonel Jack, Moll Flanders, et Roxana. Il s’agit d’exposer les raisons historiques et esthétiques qui font de la possibilité de s’échouer sur une île, d’être laissé seul dans une ville pestilentielle, ou d’être isolé dans le désert sans eau potable un plaisir de lecture tant apprécié au dix-huitième siècle. Ces récits posent les structures d’une esthétique de la survie dont les formes nouvelles, au-delà des Robinsonnades, sont tant prisées par les survivalistes, trois cent ans après la publication de Robinson Crusoé.