Les Bildungsromane bisexuels français contemporains : rite de passage ou d’impasse ?

Résumé En

Le bildungsroman articule généralement une structure narrative avec un processus de développement du héros. Ce genre littéraire met en récit l’entrée dans l’âge adulte du jeune protagoniste, en outre, son passage de l’adolescence à la majorité. Les romans gays et lesbiennes, surtout les récits de coming out mettant en récit une révélation d’une sexualité non-normative, mobilisent également le genre du bildungsroman dans leurs représentations. Dans une société hétéronormative, les bildungsromane impliquant des personnages homosexuels dépeignent le processus de leur intégration sociale cherchant à ce que leurs identités sexuelles soient acceptées. Ils racontent alors le passage d’une identité sexuelle à l’autre du protagoniste : de l’hétérosexualité imposée par les normes sociales à l’homosexualité. Ce schéma narratif est convenable aux récits gais et lesbiennes mais s’avère plus problématique à l’égard des récits bisexuels. Cela s’explique par les caractéristiques propres à la bisexualité : son ambivalence et sa perspective binaire. En effet, la bisexualité englobe simultanément l’hétérosexualité et l’homosexualité. Ce passage de l’hétérosexualité à l’homosexualité peine donc à s’exécuter dans les récits bisexuels et se présente plus comme une impasse plutôt qu’un passage. Nous essayons donc dans cet article de mettre la bisexualité à l’épreuve de la notion du passage dans deux bildungsromane bisexuels français contemporains – Saccage d’Éric Jourdan et Un garçon comme une autre de Joël Breurec – afin d’analyser comment la notion du passage s’opère dans des récits bisexuels et si elle aboutit à une impasse ou bien à un certain type de passage particulier grâce aux caractéristiques propres à la bisexuelité.