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Rédouane Mohammed Aboueddahab Abouddahab, « Les interstices de l'interculturel : autorité, sinthome et jouissance chez Lalla Essaydi », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.tt0lgm
L'œuvre picturale de Lalla Essaydi, dont la marque patente est la figure récurrente de femmes voilées ou non, vêtues de robes marocaines traditionnelles, a une intention explicite revendiquée par l'artiste, dont le but est de déjouer les stéréotypes nombreux et persistants sur les femmes maghrébines ou arabes, et de désamorcer les effets néfastes des projections fantasmatiques sur ces femmes-là. L'engagement revendicatif d'Essaydi se réalise au nom de la puissante volonté de déconstruire les préjugés orientalistes sur la femme maghrébine.S'évertuant à desserrer l'étau simplificateur du regard orientaliste, Lalla Essaydi produit une oeuvre qui veut révéler la complexité du sujet féminin maghrébin, là où celui-ci est souvent réduit, dans le regard réifiant, condescendant ou méprisant, de l'écrivain ou l'artiste orientaliste, à une projection fantasmatique, c'est-à-dire à un statut d'objet dépourvu d'un regard propre mais offert au regard, un « être-là » sans productivité subjective ni virtualités désirantes. L'art d'Essaydi est animée par un idéal de puissance féminine dont elle se fait la porte-parole, et qui semble circonscrire le projet artistique au sein de limites dictées par une exclusive identitaire, au risque de réduire l'étendue transidentitaire de tout grand art. Cette tension potentielle entre la revendication identitaire et la liberté artistique est néanmoins stabilisée dans la structure dialogique de l'oeuvre. L'altérité (de la "parole", de la loi…) se trouve nichée au coeur du sujet dialogique (ou sujet divisé). L'intérêt identitaire et les tentations imaginaires sont articulés chez Essaydi avec ce dialogisme intrinsèque et ses ramifications inconscientes telles que sous-entendues par la vitalité du désir à l'œuvre et l'énigme de la jouissance de l'Autre.