20 décembre 2023
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Marie-Léa Rousseau, « Le long de l'étoile ferroviaire berlinoise ? - La région capitale Berlin-Brandebourg à l'épreuve du développement métropolitain européen », HAL-SHS : architecture, ID : 10670/1.u5mqud
Le présent travail de recherche porte sur la gouvernance des transports au sein de l' « espace d'interdépendance étroite » formé par Berlin et sa frange périurbaine. Depuis le « tournant » des années 90, la métropolisation s'est imposée comme une « nouvelle clé de lecture » (Di Meo, 2010) de dynamiques territoriales marquées par une désynchronisation croissante entre territoires institutionnels et territoires fonctionnels (Offner, 2006). La mobilité apparait comme une fonction urbaine transversale au coeur de ces recompositions territoriales, au point que Michel Lussault souligne la « systématisation de la mobilité des humains, des matières, des idées, des données et des informations comme principe de base de l'urbain métropolisé » (Lussault, 2010). L'extension des formes urbaines combinée à l'intensification des interdépendances fonctionnelles au-delà des limites traditionnelles de la ville (Le Néchet, 2015) soulèvent un double enjeu en termes de gouvernance, celui du décloisonnement des logiques territoriales ainsi que des logiques sectorielles par une approche interterritoriale (Vanier, 2009). Il en résulte un besoin de repenser le développement urbain à l'échelle des « villes-région » (Conesa, 2008), tant dans sa dimension politique par la coopération centre-périphérie que dans sa dimension aménagiste par la coordination transport-urbanisme. Si de nombreux travaux soulignent le rôle central des mobilités dans la nécessité d'adapter les modes de gouvernance aux recompositions territoriales (Estèbe, 2008), rares sont ceux qui placent les politiques de mobilités au cur de l'approche interterritoriale. D'autres travaux ont mis en évidence que les couronnes périurbaines en particulier demeurent « orphelines d'une pensée aménagistes » (Bonin-Oliveira, 2007) dans leur intégration métropolitaine, sans pour autant creuser le rôle de « la variable transport, [...] point aveugle de tous les raisonnements » (Razemon, 2018). Les travaux de recherche se focalisent sur l'Allemagne, marquée par une « fièvre métropolitaine » (Treuner, 2002) et des dynamiques territoriales fortement refaçonnées par les mobilités depuis la réunification. Le choix de la zone de recherche s'est porté sur la région capitale Berlin-Brandebourg, formée par deux territoires institutionnellement indépendants mais fonctionnellement intégrés dans un espace commun de transport depuis la réunification allemande. La thèse souligne la trajectoire singulière d'une ville née tardivement « à la marge de l'Europe » au XIIIème siècle (Bocquet, 2008), devenue une « ville-monde » sous l'effet d'une croissance urbaine fulgurante au XIXème siècle (Leyden, 1933) puis enrayée dans son développement urbain par les coupures urbaines de la Guerre Froide (1949 1989). Depuis la réunification, les autorités de la région capitale tentent de préserver une structure résidentielle en forme d'étoile comme un « cadeau de l'histoire » (Kathrin Schneider, Ministre brandebourgeoises des infrastructures et du développement régional). Cependant, la « tendance à la normalisation » (Grésillon, 2015) induite par la nouvelle dynamique métropolitaine des mobilités résidentielles et pendulaires dans l'« espace d'interdépendance étroite » conduit à la mise en tension d'un système d'aménagement commun rigide basé sur le modèle des lieux centraux. L'analyse comparative de 4 terrains d'étude permettant de typologiser les espaces en fonction de leur dynamique métropolitaine dans la couronne périurbaine met en évidence une pression mobilitaire croissante le long de l'« étoile résidentielle » depuis l'accélération de la crise du logement berlinois dans les années 2010. Face au retard infrastructurel des corridors ferroviaires et au manque de solutions alternatives à la voitures dans la couronne périurbaine, la politique de rattrapage impulsée par la gouvernance métropolitaine se heurte à la contestation grandissante des communes, qui peinent elles-mêmes à placer les politiques de mobilités au coeur de leur coopération intercommunale.