19 novembre 2014
David Hérisson et al., « Entre régions septentrionales et méridionales de l'Europe occidentale, le gisement acheuléen de La Grande Vallée, à Colombiers (Vienne, France). », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.u7lgh3
Situé aux confins du Bassin Parisien et du Bassin Aquitain, inséré entre les extensions respectives du Massif Central et du Massif Armoricain, le Poitou comporte de nombreux sites attribuables à ce qu'il est convenu de désigner, au moins en Europe occidentale, la culture matérielle acheuléenne. Dans cette zone géographique, tout comme dans l'ensemble de la région du Poitou-Charentes, les recherches concernant cette phase du Pléistocène moyen se sont limitées à des ramassages à la surface des champs et dans les sablières ouvertes au coeur des terrasses alluviales, en particulier dans les Charentes et, plus au nord, en limite avec la région Centre, dans les alluvions de La Creuse. La découverte en 1995 du gisement de La Grande Vallée, sur la commune de Colombiers dans la Vienne, offrit pour la première fois dans la région Poitou-Charentes une opportunité d'exploration scientifique rigoureuse de niveaux archéologiques pléistocènes bien conservés. Après un sondage initial en 2005 et une fouille triennale programmée, entre 2006 et 2008, une bonne connaissance du gisement est aujourd'hui établie. Ce site se trouve au niveau d'une rupture de pente à proximité du sommet d'un plateau dominant actuellement de 90 m environ le fond d'une vallée très large (plus de 6 km de largeur). Il est situé en contrebas immédiat d'altérites du Turonien supérieur à grandes dalles de silex. Ces formations siliceuses turoniennes, dont il s'agit de l'extension la plus méridionale, ont été exploitées par des milliers de générations d'hommes préhistoriques du Paléolithique inférieur jusqu'au Néolithique, comme en témoignent les quantités considérables de matériel lithique récoltées dans les champs implantés dans le fond de vallée actuel. Au lieu-dit de La Grande Vallée a été préservée une séquence sédimentaire nommée U5 et ayant livré à ce jour cinq niveaux archéologiques attribuables à l'Acheuléen. Cette unité doit sa conservation à des conditions géomorphologiques exceptionnelles. Il s'agit notamment de la présence d'un replat structural du substrat qui a eu pour effet de piéger les sédiments et les vestiges d'occupations humaines pléistocènes qu'ils renferment. Cet ensemble a été littéralement scellé par des dépôts de pente polyphasés, mis en place par solifluxion et coulées de débris. Les niveaux archéologiques ont livré de nombreux vestiges lithiques, témoignant de la fabrication sur place de très nombreux outils, dont l'élément phare est le biface. L'utilisation des grandes dalles de silex a donné lieu à des méthodes particulières d'exploitation, témoignant d'une accommodation à la matière première. Les études tracéologiques ont révélé que des activités de boucherie, incluant la découpe et la percussion contre des matières carnées et osseuses, ont très certainement été réalisées in situ. Couplé à la présence de nombreux silex brûlés, ces observations plaident en faveur d'un statut mixte d'habitat/atelier pour ces occupations acheuléennes. En l'état actuel des études, les dates par thermoluminescence sur silex chauffés sont en concordance avec les analyses géomorphologiques : la mise en place de l'unité U5 se situerait aux environs de 450 ka BP. Le gisement de La grande Vallée constitue un gisement de référence dans la connaissance des industries acheuléennes. Sa position géographique au niveau du Seuil du Poitou, entre régions septentrionales et méridionales de l'Europe occidentale, offre pour la première fois dans cet espace un point d'observation fiable et riche d'enseignement concernant le peuplement de l'Europe occidentale au milieu du Pléistocène moyen.