2022
Cairn
Thierry Haustgen, « Les sources françaises de la schizophrénie », PSN, ID : 10670/1.u8fmou
On ignore à quelle époque sont apparus les troubles schizophréniques. Les premières publications des auteurs médicaux français tendent à montrer qu’ils existaient déjà à la fin du XVIIIe siècle. Au temps de l’aliénation mentale unitaire, Pinel en 1800, puis Esquirol en 1814, décrivent des troubles des associations d’idées, du langage et de la psychomotricité dans l’idiotisme et la démence. Georget définit en 1820 la « stupidité ». Leuret rassemble en 1834, sous le nom d’incohérence des idées, des observations de troubles de la pensée et du comportement, marqués par la désorganisation et la « dissociation ». Baillarger développe à partir de 1846 la sémiologie des hallucinations. Dans la décennie 1850, sont isolées, sous l’influence de l’enseignement de Falret, les premières maladies mentales, à partir de leur évolution au long cours. Son élève Morel approfondit en 1853 le tableau de la stupidité (ou stupeur), marquée par des symptômes psychomoteurs (proches de ceux de la future catatonie), qui font suite à des accès de dépression et d’excitation. Il emploie en 1860 le terme de démence précoce, qu’il associe à la dégénérescence, mais sans en faire une classe diagnostique. La locution est reprise par Gauthier (1883) et Charpentier (1890). Séglas décrit les hallucinations psychomotrices, avec automatisme, scission et dissociation de la personnalité (1895). En 1899, alors que paraît la 6e édition du traité de Kraepelin, Christian sépare en France la démence précoce de la dégénérescence. Sérieux introduit la forme « simple » de la maladie, en décrit trois périodes évolutives et classe les symptômes en essentiels et accessoires (1902). Masselon distingue les troubles primitifs et secondaires (1904). Deny subdivise les signes fondamentaux et accessoires (1904), comme plus tard Bleuler. Il réunit les trois formes de la maladie dans une description unique. Entre 1904 et 1906, Régis et Parant contestent l’autonomie de la démence précoce. Mlle Pascal publie le dernier ouvrage français sur l’affection en 1911, l’année où Bleuler fait paraître la contribution qui va populariser le terme de schizophrénie.