2024
http://hal.archives-ouvertes.fr/licences/etalab/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Aline Thomas, « Une société patriarcale néolithique ?: Les tombes monumentales de type Passy à l’épreuve des données bioarchéologiques », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.uecob3
Les modalités d’expression du genre, facteurs de différenciation sociale, culturelle ou symbolique des identités sexuées, constituent un outil efficace pour caractériser l’organisation des groupes humains. L’étude des sociétés sans écriture ne peut toutefois être qu’indirecte et suppose une méthodologie adaptée. Nous illustrons ici l’analyse bioarchéologique des sépultures, qui propose de remettre à la base des interprétations de genre l’ostéobiographie complète des défunts, en fonction de leur traitement funéraire. Le sexe biologique est ici envisagé comme la référence objective à partir de laquelle pourront être testées les expressions du genre. L’objectif est ensuite d’évaluer ce qu’une structuration genrée du monde des morts traduit de l’organisation sociale des vivants. Les sépultures monumentales de type Passy, dans le Bassin parisien, offrent un observatoire privilégié des mutations sociales au Néolithique et un cadre favorable à l’analyse des représentations et des rapports sociaux entre hommes et femmes préhistoriques. Une première approche du matériel permet d’identifier le rôle structurant du sexe biologique dans l’organisation des nécropoles, au centre desquelles cer-taines figures masculines sont valorisées. C’est en particulier le cas des hommes dits « chasseurs », identifiés par le dépôt de flèches dans leurs tombes. Les analyses ostéologiques montrent que les statuts funéraires se traduisent par une division sexuelle effective des activités. Les « chasseurs » funéraires ont été de réels archers qui ont eu accès à des ressources alimentaires différentes de celles du reste du groupe, hommes et femmes confondus. Ce statut, accordé à quelques très jeunes enfants, suppose un héritage de la fonction indépendant d’un savoir-faire, ou même d’une pratique, mais vraisemblablement lié à des règles de filiation biologique. Plus tard, dans la vie de certains hommes, la fonction de « chasseur » peut se doubler d’un rôle supérieur, celui d’un probable chef. Munis d’un objet emblématique, « la tour Eiffel », c’est autour d’eux que s’organisent les dépôts funéraires. À l’opposé, le traitement des morts traduit une certaine invisibilité des femmes. Plusieurs indices suggèrent la spécialisation des tâches quotidiennes en fonction du sexe, mais les activités féminines ne sont apparemment pas valorisées dans leur tombe. Plus que la division sexuelle des fonctions, c’est l’organisation du monde des morts dans son ensemble qui évoque un régime de domination masculine.