2023
Awa Amadou Sall, « Variabilité climatique et vulnérabilité de l’agriculture pluviale : le cas du Nord-Est du Sénégal (Vallée du fleuve et Ferlo) », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.ueym9i
La hausse de l’effet de serre anthropique dans l’atmosphère est devenue une préoccupation majeure pour la communauté scientifique internationale. Il a augmenté de façon abrupte ces deux dernières décennies avec son lot de conséquences sur les activités agricoles. Nous analysons ici la vulnérabilité de l’agriculture pluviale face à la variabilité climatique dans le Nord-Est du Sénégal (Vallée du fleuve et Ferlo). L’analyse se concentre sur les variétés des céréales du mil (IBV 8004 et Souna 3) et du sorgho CE 180-33. Il s’agit principalement des variétés sélectionnées pour le Nord-Est du Sénégal depuis les années 1980 pour résister à la sécheresse des années 1970. Les données climatiques mesurées dans les stations synoptiques concernent la période 1931-2020 et sont constituées d’une part, par les chroniques journalières de la pluviométrie et de la température et d’autre part, par celle mensuelle de l’humidité relative de la vitesse du vent et de la durée de l’insolation. Elles ont permis l’analyse de l’indice standardisé des précipitations, du test de rupture et des températures moyennes annuelles à travers des diagrammes en barres et des courbes d’évolution. Un échantillon de 120 producteurs est enquêté pour l’analyse des impacts et des stratégies d’adaptation. Les résultats montrent que la période 1991-2020 se particularise par des années proches à la normale ou modérément sèches. La rupture pluviométrique est notée à la fin des années 1960 avec une reprise des pluies observée depuis la fin des années 1990 à l’Est et le début des années 2000 au Nord et à l’Ouest. Le cumul pluviométrique est toujours au-dessous de celui observé entre 1931-1969 avec des dates de débuts de saison pluvieuse plus tardifs et de fins plus précoces. Le bilan hydrique est négatif sur toute l’année à Podor (Nord), 11 sur 12 mois à Matam (Est) et 10/12 à Linguère (Ouest). Les besoins en eau des variétés de céréales ne sont pourvus lors de la phase de maturation que moins de 40 % des années pour le mil IBV 8004 et moins de 30 et 20 % pour les variétés du sorgho CE 180-33 et du mil Souna 3. Les pauses sèches supérieures à 7 jours sont devenues plus fréquentes aussi bien en début qu’en fin de saison entre 1991 et 2020. Les températures ont cru de 1,3 à 1,97 °C de Nord à l’Est entre les périodes 1961-1990 et 1991-2020. Cette hausse des températures, la fréquence des pauses sèches et la baisse des précipitations sont à l’origine de l’augmentation des nuisibles aux cultures et limitent la production. Les conditions de vie se dégradent, la pauvreté augmente et imposent les ménages à utiliser des variétés ou de cultures adaptées au climat et à diversifier leurs activités pour combler le déficit des rendements. Cependant, l’utilisation de l’un des scénarios des plus optimistes (RCP 2.6) pour la simulation prospective des rendements agricoles à l’horizon 2099 montre que la production agricole va continuer à baisser dans le temps malgré une légère hausse des précipitations. Cela est dû au rôle de plus en plus négatif de la hausse des températures dans la réduction des rendements des cultures, indépendamment des changements pluviométriques. Ainsi, il devient primordial de développer d’autres options d’adaptations comme la sélection et la diffusion des variétés résistantes aux températures chaudes ou appliquer une irrigation supplémentaire pour aider les variétés à échapper aux étapes critiques de leur croissance afin d’améliorer les rendements agricoles.