Gouverner la transition (agro)écologique territoriale ? Le cas de la vallée de la Drôme

Fiche du document

Date

16 juin 2021

Type de document
Périmètre
Langue
Identifiants
Collection

Archives ouvertes




Citer ce document

Sabine Girard et al., « Gouverner la transition (agro)écologique territoriale ? Le cas de la vallée de la Drôme », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.uifhyj


Métriques


Partage / Export

Résumé Fr

A l’heure de la multiplication de crises et de la généralisation des incertitudes, la transition écologique supplante le développement durable comme réponse politique, mais aussi comme question scientifique. L’approche par la transition suppose des transformations profondes, dans la durée, à différentes échelles, du local au global, et les territoires, comme échelon intermédiaire occupent une place centrale dans les réflexions. C’est notamment le cas dans le domaine agricole et alimentaire (Duru et al. 2014 ; Lamine, 2017), mais en quoi le territoire serait-il une échelle pertinente de transition écologique ? Nous proposons d’aborder cette question en nous centrant sur les modes d’articulation des différents acteurs, qui font et défont les dynamiques territoriales, révélant et mobilisant des ressources matérielles et immatérielles spécifiques à leurs espaces et milieux de vie et d‘activité. Nous articulons deux approches théoriques, l’une issue du courant des transitions socio-écologiques (Geels and schot ; 2010 ; Bui et al.2016), l’autre du développement territorial (Pecqueur et Gumuchian, 2007 ; Loudiyi et Houdard, 2019 ; Guyot Phung & Charue-Duboc, 2020), pour mieux comprendre en quoi, comment et dans quelles conditions des innovations localisées, individuelles ou collectives, plus ou moins sectorielles, peuvent transformer les dynamiques territoriales dominantes dans le sens d’une écologisation (Klein et al., 2017). Nous formulons en particulier l’hypothèse que la capacité transformatrice de ces innovations se situent dans la nature et la qualité des relations tissées par leurs porteurs tant avec d’autres acteurs (en particulier avec ceux de la sphère politico-administrative), qu’avec leur milieu (en particulier des relations homme / nature). Nous nous appuyons sur le cas d’étude de la vallée de la Drôme sur les cinquante dernières années. Dans le cadre d’un projet de recherche-action, une frise chronologique du développement de l’agriculture biologique et de l‘agroécologie sur ce territoire a été élaboré, constituée de plus de 250 événements ponctuels (http://sagacite.caprural.org/story_html5.html). Nous proposons une interprétation de cette frise en distinguant cinq trajectoires entremêlées. La première trajectoire décrit les chemins de la modernisation écologique de différentes filières agricoles. La seconde trajectoire s’intéresse à la façon dont les intercommunalités se sont saisies de l’agriculture biologique et de l’agroécologie comme d’un levier de développement territorial. Les troisièmes et quatrièmes trajectoires mettent l’accent sur la place et le rôle, d’une part de l’action culturelle et patrimoniale, et d’autre part de la construction et de la diffusion des connaissances, dans ces dynamiques de transition (agro)écologique. Enfin, nous observons, plus récemment, comment l’alimentation, pensée dans ses relations à la production agricole, agit comme un accélérateur de transition écologique.Dans l’ensemble de ces trajectoires, nous repérons différentes figures d’interface entre des alternatives radicales et les stratégies politico-institutionnelles dominantes, allant de l’ignorance réciproque à l’hybridation (Landel et al.2018). Certains acteurs jouent des rôles clefs. Aux côtés des figures connues, motrices de développement territorial, que sont les « chefs de file » et « les articulateurs » (Girard, 2014), nous observons l’émergence d’une figure spécifique aux processus de transition. Différents travaux conduisent à explorer la notion d’« opérateur territorial de la transition » défini comme « une organisation coordonnant différents acteurs du territoire et disposant d'une autonomie suffisante pour mettre en place des intermédiations permettant le passage d’un système territorial à un autre » (Durand, Landel, en cours). Simultanément, une autre approche propose de caractériser l’opérateur territorial de la transition comme ayant capacité à « problématiser et publiciser les situations territoriales, d’identifier les structures d‘opportunité territoriale de transition pour définir et décider les trajectoires de développement souhaitables » (Lapostolle, 2021). C’est en particulier le cas d’organisations d’acteurs, tels par exemple une SCIC qui assure des liens directs entre consommateurs et producteurs, mais également de certaines intercommunalités. Ces opérateurs de transition territorial développent des capacités à orienter des exploitations agricoles vers d’autres systèmes de production et de transformation et les citoyens vers d’autres modes de consommation (consommateurs responsables mais aussi consommateurs-entrepreneurs). De plus, ils ont la capacité à relier des acteurs qui ne l’étaient pas, issus de mondes différents (s’appuyant sur de lieux d’hybridation), et à jouer les intermédiaires entre des échelles géographiques variées via l’implication dans des réseaux interterritoriaux. Ils organisent des lieux de débats et de décision pour guider les actions, contribuant à modifier les rapports de force historiques et repenser les modes de gouvernance. Enfin, ils facilitent l’émergence, la construction et la diffusion de nouvelles valeurs, normes, connaissances et pratiques. Ils participent ainsi à l’élaboration de nouveaux récits territoriaux, en reliant histoire culturelle longue et contemporaine, et pensant les futurs à partir de la capacité d’agir au présent.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Exporter en