2012
Cairn
Stéphane Van Damme, « Méditations mathématiques : Retour sur une pratique morale des sciences à l'âge classique », Annales. Histoire, Sciences Sociales, ID : 10670/1.un7gbb
Dans quelle mesure les savants ont-ils utilisé les sciences pour poursuivre une bonne vie au XVIIe siècle ? Comment articuler révolution scientifique et questionnement éthique ? Ce sont les questions que formule l’historien des sciences Matthew Jones dans son ouvrage The good life in the scientific revolution. Son projet s’inscrit d’abord dans les prolongements des recherches sur une histoire sociale de la vérité qui a encouragé de nombreux historiens depuis deux décennies à déchiffrer les normes morales qui garantissent l’usage et la production des énoncés scientifiques. La civilité, la politesse, l’honneur ont donné lieu à des recherches précises qui ont permis de souligner le contexte culturel et social qui entoure les pratiques de l’innovation scientifique à l’âge classique. Ensuite, il approfondit ces interrogations en se demandant comment la pratique mathématique est considérée comme une mise en jeu, et non comme le reflet, de ces normes morales. Cet article se propose de discuter des apports de ce livre en examinant d’abord les trois formes d’expérimentation d’une morale mathématique menées par Descartes, Pascal et Leibniz. L’article montre ensuite comment Matthew Jones puise dans les travaux de Pierre Hadot sa conception des exercices mathématiques comme exercices spirituels. Dans un troisième temps, l’article étudie dans quelle mesure le livre illustre un retour de la question morale en histoire des sciences anglophone depuis une vingtaine d’années alors que l’épistémologie classique à la française s’est toujours tenue à distance de ce questionnement. On montrera comment ces approches ouvrent des pistes de réflexion pour les historiens pour mieux saisir les relations entre sciences et religion à l’époque moderne.