5 septembre 2014
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Eric Pitard, « Un "sujet-mal-dans-sa-peau" ou d'une éthique de l'Alter-ité : corporéité, affectivité et subjectivité dans "Autrement qu'être ou au-delà de l'essence" d'Emmanuel Levinas », HAL-SHS : histoire des religions, ID : 10670/1.utkwpy
La question du sujet. Question fondamentale qui constitue comme un fil rouge pour qui souhaite cheminer et s’orienter dans la pensée philosophique d’Emmanuel Levinas. S’orienter dans une pensée intempestive et toujours mouvante, qui se déplace et progresse comme le mouvement des vagues, continu et entraînant. Mouvement intime et constitutif d’une pensée puissante qui, depuis ses débuts jusqu’à son acmé, n’a cessé de porter, autant que d’être portée par elle, cette question abyssale du sujet. Interrogation vertigineuse, en effet, qui se double intimement d’une intense réflexion sur l’altérité et sur ses différentes modalités de signification, d’expression. L’un et l’autre, le sujet et l’altérité, tous deux participent d’un seul et même souffle, d’une seule et même geste philosophique que Levinas entend déplier patiemment depuis ses premières œuvres jusqu’à son maître-ouvrage, le plus aride par son style syncopé, le plus déroutant par son écriture cassée et le plus dérangeant, surtout, par sa radicalité éthique : Autrement qu’être ou au-delà de l’essence (1974). Ouvrage de la maturité où s’élabore et se donne à voir page après page une nouvelle figure du sujet, à la fois extrêmement aboutie, taillée dans la roche, ciselée même et ô combien questionnante et soumise elle-même à vive controverse. Un sujet fragile - débarrassé de toute stance égologique, de toute assise substantielle - expatrié en somme, autant que faire se peut, de ses antiques terres et privilèges ontologiques. Une subjectivité éthique, précisément, que Levinas expose sous toutes ses coutures et dans ses moindres nervures et replis possibles ; une subjectivité autopsiée en quelque sorte, ouverte, comme malgré elle, sur l’énigmatique travail d’une altérité intime qui l’habite depuis toujours.