Le retour d’un message viral, la norme trans et la liberté d’interpréter

Résumé Fr En

Éric Marty commence son dernier livre en notant que « le genre est le dernier grand message idéologique de l’Occident envoyé au reste du monde ». Il démontre ensuite brillamment que ce message est un retour à l’envoyeur de ce qui a été connu aux États-Unis comme « French Theory ». Cette peste était pour l’essentiel le bricolage des philosophes français sur la psychanalyse lacanienne, adressé aux mouvements de libération sexuelle qui traversaient les campus. La peste nous est revenue par le genre butlerien dont nous sommes embarrassés. La Judith du genre, elle, n’en parle plus. Elle est ailleurs, dans le bricolage intersectionnel avec lequel elle veut réenchanter la politique. J’examinerai quelques conséquences de l’embarras des psychanalystes autour de l’effet le plus logique de l’introduction du genre. Il y a réaction des transsexuels au paradigme trans proposé par la queerisation du genre. Qui croire ? Les transsexuels ou les trans, les féministes radicales ou les féministes queer ? Les psychanalystes y perdent leur latin postpatriarcal. Il y a celles et ceux qui veulent rejoindre Preciado, nouvel Antoinette Fouques, dans la croisade pour les trans, et d’autres qui trouvent qu’il jette trop vite la sexuation lacanienne avec la testostérone du bain. L’enjeu est de taille. Jacques-Alain Miller le relève. La concurrence victimaire des communautés de jouissance en vient à vouloir réduire les psychanalystes au silence de la non-interprétation au nom du respect des traumas. Comment donc interpréter au temps de l’autodétermination du choix de genre ?

Éric Marty begins his latest book by saying that “gender is the latest great ideological message sent from the West to the rest of the world”. He then brilliantly demonstrates that this message is a return to sender of what was known in the USA as the “French Theory”. This plague was essentially the makeshift work of French philosophers on Lacanian psychoanalysis, addressed to sexual liberation movements found on campus.The plague has come back to us through the Butlerian gender, of which we are encumbered. The Judith of gender no longer speaks. She is elsewhere, in the intersectional DIY with which she hopes to re-enchant politics.I will examine some consequences of the predicament of psychoanalysts around the most logical consequence of the introduction of gender. There is the transsexual reaction to the paradigm trans proposed by the queerisation of gender. Who to believe? The transsexuals or the trans, the radical feminists or the queer feminists? Psychoanalysts are completely baffled. There are those who wish to join with Preciado, the new Antoinette Fouque, in the trans crusade, and others who think he has thrown Lacanian sexuation too quickly out with the testosterone of the bathwater.The stakes are high. Jacques-Alain Miller reveals this. The victim competition from communities of jouissance now wants to reduce psychoanalysts to the silence of non-interpretation in the name of respect for trauma. How then to interpret in the time of auto-determination in the choice of gender?