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Stéphanie Marty, « Nouvelles formes d'intermédialités. Quand Internet s'imbrique dans les dispositifs classiques du cinéma », HAL-SHS : sciences de l'information, de la communication et des bibliothèques, ID : 10670/1.v1l7ed
L'objectif de cette recherche est de contribuer à l'étude de l'intermédialité (Muller, 2006), en mettant l'accent sur les interdépendances entre cinéma et internet. Cette recherche réduit la focale sur un moment individuel minuscule - être spectateur d'un film - et montre en quoi ce moment traduit les évolutions actuelles des dispositifs (Karpik, 2007 ; Cochoy, 2004) entourant les publics du cinéma.Revue de littératureAujourd'hui, les films cinématographiques sont, de plus en plus, " distribués [...] au sein de groupes multi-médias " (Miège, 1997) (télévision, presse, internet,...). ainsi, plutôt qu'un 'cinéma victime' (Miège, 1997), 'cannibalisé' par les autres médias, nous envisagerons le cinéma comme l'initiateur de leur interpénétration. en effet, en occasionnant un important enchevêtrement médiatique, l'activité cinématographique confirme les relations d'interdépendance, les imbrications et les complexes chevauchements de médias décrits par certains auteurs (Katz et al.,1973 ; Gaudreault et Jost, 2000 ; Cardon et al., 2005). nous pouvons mentionner, à ce titre, le chevauchement entre le cinéma et internet ; afin de choisir le film qu'il va aller voir en salle, un spectateur peut mobiliser une 'e-information cinématographique', contenu hybride issu d'une étroite interpénétration (Miège, 1997) entre le cinéma et internet. en s'entremêlant de la sorte, ces derniers nous offrent une illustration de phénomènes tels que la transmédialité (Jenkins, 2006 ; Dena, 2009) et l'intermédialité (Mariniello, 2000 ; Muller, 2006).le média internet se met au service du média cinéma (Maresca, 2005), en offrant à ses utilisateurs de vastes espaces de communication interreliés (Dahlgren, 2000), de nouveaux dispositifs et arènes participatifs (Dacheux, 2003), qui peuvent être appréhendés comme des espaces publics partiels (Miège, 2010), témoins de dépassements (lévy, 2002) de l'espace public classique (Habermas, 1962). Parmi ces nouveaux espaces virtuels consacrés au cinéma, nous pouvons citer les blogs, les forums, les réseaux sociaux,... au sein desquels des spectateurs-lambdas émettent leur propre jugement à l'égard de films cinématographiques. Ces interfaces de débats et de médiations entre les spectateurs et les oeuvres cinématographiques peuvent représenter un recours pour l'individu choisissant le film qu'il va aller voir au ciné ma. toutefois, la blogosphère cinématographique n'est pas exempte de manipulations directes ou indirectes de la part des producteurs de films. Souvent présentés comme des dispositifs indépendants de jugement (Karpik, 2007) pour les futurs spectateurs, les blogs, forums,... sont aussi des dispositifs de captation (Cochoy, 2004) des publics du cinéma.questions de recherche. Comment le phénomène d'intermédialité se traduitil par une imbrication de dispositifs de jugement (Karpik, 2007) et de captation (Cochoy, 2004) ?. Dans quelle mesure et quels contextes ces dispositifs de jugement (Karpik, 2007) et de captation (Cochoy, 2004) sont mobilisés par le spectateur ?. Quelles mutations peuvent être impliquées par le phénomène d'intermédialité généré par l'activité cinématogrméthodeDeux types de données ont été recueillis. D'une part, des données relatives aux dispositifs de jugement (émissions, blogs,...) et aux dispositifs de captation (casting, synopsis,...). D'autre part, des données concernant des spectateurs et reposant sur un corpus d'observations dissimulées et d'entretiens qualitatifs réalisés devant des salles de cinéma.l'analyse de ces données consiste à étudier comment les dispositifs internet jouent - ou non - dans le choix de voir tel ou tel film, dans tel ou tel contexte social.Résultats et implicationsL'émergence de nouvelles formes d'expressionles imbrications de médias - générées par l'activité cinématographique - bousculent certaines dichotomies relatives à la " formalité " et " l'informalité " des sources d'information, et déconstruit certains rapprochements entre " formalité " et " fiabilité ". En effet, le fait que certains spectateurs-décideurs accordent une fiabilité considérable aux opinions émanant, sur Internet, de quidams, met en question l'idée de fiabilité supérieure et systématique des sources d'informations dites 'formelles'. Capables d'investir les mêmes rôles et d'assumer les mêmes 'responsabilités' que les sources d'information dites 'formelles', certaines sources d'informations dites 'informelles' - délivrées, par exemple, tout azimut, par une 'opinion commune' (Karpik, 2007) en ligne - témoignent de l'importance accrue qui devrait être accordée à des formes d'expression émergentes, portées notamment par les nouveaux médias (Shefrin, 2004 ; Jenkins, 2006).La relativisation de la critique dite " traditionnelle "en s'exprimant par l'intermédiaire de supports médiatiques résolument hétérogènes (presse, télévision, Internet,...), les critiques de film, souvent désignés comme " cicérones " (Karpik, 2007), offrent un aperçu des imbrications initiées par l'activité cinématographique. les critiques de cinéma introduisent effectivement certaines émergences, à l'image, notamment, d'un distinguo entre la critique de cinéma dite 'traditionnelle' et la critique de cinéma en ligne. Une telle différenciation implique certaines dissemblances, tant en matière de fond qu'en matière de forme. Par exemple, 'l'e-critique cinématographique', en soustendant une forme d'expression conditionnée par l'immédiateté et l'instantanéité - caractéristiques du média internet - engage certaines dissimilitudes, en matière de teneur et de présentation, par rapport à la critique traditionnelle. en d'autres termes, si les critiques diffusées dans la presse traditionnelle peuvent migrer sur internet et devenir par la même des critiques en ligne, un tel franchissement implique certaines mutations dans leur traitement et leur réception. Une critique paraissant dans la presse traditionnelle n'engage pas le même exercice, le même coût de diffusion, le même rapport au lecteur,... qu'une critique paraissant sur internet. l'intermédalité, ici générée par l'activité cinématographique et révélée par l'expression pluri-médiatique des critiques, induit certaines interrogations ; parmi ces questionnements, nous pouvons mentionner la relativisation du rôle de la critique dite 'traditionnelle' à l'aune de l'avènement du média internet.