Un pochon magique peut en cacher un autre : Mécaniques rituelles dans les initiations des Baruya de Papouasie-Nouvelle-Guinée

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Le propos de cet article porte sur la manière dont deux types d’objets anga (Papouasie-Nouvelle-Guinée), largement semblables, sont respectivement manipulés et efficients dans deux contextes différents : des magies de chasse qui concernent n’importe quel homme dans cette activité individuelle et non cérémonielle qu’est la chasse, et des rites d’initiations collectifs lors desquels un monde commun est réaffirmé, partagé et reproduit. « Largement semblables », ces objets le sont doublement. D’une part, leur forme (des pochons refermés) est identique, de même que leur type de contenu (cauris, ossements, noix, plumes, etc.). D’autre part, et surtout, l’histoire orale atteste que, chez les Baruya, les objets sacrés kwaimatnié dont dépend tant l’efficacité des rites masculins que l’ordre politique local, sont le plus souvent des pochons siwuya de chasseurs transformés.La comparaison montre que c’est parce qu’il est utilisé comme un tout, refermé sur lui-même, cachant et mêlant des objets porteurs de sens qui renvoient à des référents contradictoires, qu’un kwaimatnié rend tangible autant que supportable l’ambiguïté fondamentale des pouvoirs mis en jeu (masculins et féminins), laquelle sous-tend alors la condensation rituelle. Par contraste, le siwuya d’un chasseur est ouvert et l’on n’en tire et utilise que celui des petits charmes qui correspond à un gibier particulier.C’est donc la matérialité de ces objets sacrés, leurs caractéristiques physiques et celles de leurs manipulations, qui distingue radicalement leur intervention dans les initiations, c’est-à-dire la façon dont ils permettent au rituel d’atteindre ses buts. On doit enfin se demander si cet accent sur des actions élémentaires sur la matière lors du rituel résulte de cette autre caractéristique du monde anga qu’est le partage par toutes et tous d’une culture matérielle quotidiennement mise en œuvre.

‪One magic pouch can hide another. Ritual mechanisms in the initiations of the Baruya of Papua New Guinea‪‪This paper is about the way in which two broadly similar types of Anga (Papua New Guinea) objects are respectively manipulated and efficient in two different contexts: hunting magics that concern any man in the individual, non-ceremonial activity of hunting and collective initiation rites in which a common world is reaffirmed, shared, and reproduced.‪‪These objects are “broadly similar” in two ways. On the one hand, their form (closed pouches) is identical, as are their contents (cowries, bones, nuts, feathers, etc.). On the other hand, and above all, oral history attests that, among the Baruya, the ‪ ‪kwaimatnié‪‪ sacred objects on which the effectiveness of male rites and the local political order depend are most often transformed ‪ ‪siwuya‪‪ hunters’ pouches. The comparison shows that it is because it is used as a whole, closed in on itself, hiding and mixing objects carrying meanings that refer to contradictory referents, that a ‪ ‪kwaimatnié‪‪ makes tangible as well as bearable the fundamental ambiguity of the powers at stake (masculine and feminine), which then underlies the ritual condensation. In contrast, a hunter’s ‪ ‪siwuya‪‪ is open and only the small charms that correspond to a particular game are drawn and used.It is therefore the materiality of these sacred objects, their physical characteristics and those of their handling, which radically distinguishes their intervention in initiations, that is to say the way in which they allow the ritual to achieve its goals.Finally, one must ask whether this emphasis on elementary actions on matter during the ritual results from this other characteristic of the anga world, which is the sharing of a material culture implemented every day by all.‪

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