Cécile Ci Iglesias, « L'histoire en chansons : de la mémorisation à la fabulation poético-narrative », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.va05oq
Les comptines et chansons traditionnelles du répertoire enfantin associent voix, oreille, mémoire et geste de façon plus ou moins complexe ; le caractère familier de ces ritournelles connues de tous a longtemps détourné les spécialistes de la littérature de ce genre de manifestations d'art verbal. Or ces compositions permettent de croiser différents niveaux de réflexion sur le travail de la mémoire. Mémoire créatrice d'abord (puisqu'elle est le vecteur qui permet la fixation et la transmission de ces textes ouverts) ; mémoire structurante (dans la mesure où l'architecture narrative de ces poèmes chantés est directement liée aux contraintes de la mémorisation) ; mais aussi mémoire de faits –réels ou mythiques– perpétués par la voix (le souvenir collectif reflété dans certaines de ces chansonnettes peut ainsi devenir très ténu ou se figer en images d'Epinal fortement ancrées). Prenant appui sur des chansonnettes évoquant un fait historique, l'analyse s'attache à déterminer leurs affinités avec le romancero viejo et ses avatars vulgares à référence historico-légendaire, largement diffusés dans l'ensemble des territoires hispanophones par la tradition orale. Certaines chansons enfantines du répertoire traditionnel peuvent en effet elles aussi révéler l'écart entre la mise en récit des événements depuis une perspective donnée, et leur transformation en légende ou mythe, à mesure que les circonstances précises des événements sont gommés au profit d'une atmosphère narrative et poétique plus universelle.