2013
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Guillaume Tusseau, « Quelques impressions sur la comparaison juridique en France: Une croissance inorganique et sous-théorisée », Archive ouverte de Sciences Po (SPIRE), ID : 10670/1.vczuj8
La situation actuelle de la comparaison juridique en France est la suivante. Les disciplines juridiques demeurent organisées selon une tripartition entre droit privé, droit public et histoire du droit. Le droit comparé n'apparait pas sur le plan institutionnel comme une discipline appelant des cursus, des diplômes et des recrutements spécifiques. L'enseignement de droit comparé n'occupe qu'une place marginale dans le cursus universitaire. Ceci n'empêche pas, dans le contexte actuel de globalisation juridique, le développement de diplômes et de centres de recherche principalement ou exclusivement consacrés à une approche comparatiste. Une production scientifique spécifique émerge. Mais le droit comparé peine encore à s'établir en communauté scientifique ou en discipline réellement autonome. A ce titre, il n'existe aucun débat d'ensemble sur l'objet et la méthode comparatiste. Les rares considérations relatives à ce thème dans les manuels consistent en développement convenus (science v. méthode, macrocomparaison v. microcomparaison, droit comparé v. étude des droits étrangers, etc.), qui ne sont pas du tout en prise avec la manière dont la littérature internationale s'interroge aujourd'hui sur l'opération intellectuellle en cause dans l'activité de comparaison. Cette limite épistémologique tient, outre à l'absence d'une véritable communauté comparatiste constituée en écoles de pensée, à la faiblesse générale de la réflexion française en matière de théorie juridique, à l'absence d'interdisciplinarité dans le champ universitaire hexagonal et à une tradition technicienne concevant le droit comparé comme un vecteur de l'exportation du système juridique français à l'étranger. Les universitaires comparatistes qui travaillent en France peuvent être sommairement regroupés en cinq catégories : les plus en phase avec la doctrine internationale adoptent une perspective de droit global qui dépasse les clivages usuels (droit public v. droit privé, droit interne v. droit international, etc.) ; un deuxième groupe insiste sur l'importance des cultures juridiques afin de comprendre et comparer les droits ; d'autres produisent des travaux comparatistes véritablement transversaux sans se préoccuper outre mesure des questions méthodologiques ; un quatrième groupe conçoit la comparaison comme la juxtaposition de monographies nationales successives ; un dernier groupe demeure fidèle à la méthodologie des « grands systèmes de droit » héritée de René David. L'interrogation sur le champ, l'objet et la méthode de la comparaison demeure nécessaire. Sans viser la victoire d'une orthodoxie, elle doit favoriser l'identification d'une multiplicité de manières d'aborder la comparaison juridique, en clarifiant les présupposés, les résultats et les limites de chacune.