2013
Cairn
Christian Bracco et al., « Les points de vue de Poincaré sur la « mécanique nouvelle » et leurs rapports à l'enseignement et à sa pratique scientifique », Revue d'histoire des sciences, ID : 10670/1.vk74gc
Si Henri Poincaré a consacré un seul article scientifique à la « mécanique nouvelle » en 1905 – intitulé « La dynamique de l’électron » et connu sous le nom de Mémoire de Palerme, que nous avons analysé en 2009 dans cette revue –, il s’est cependant exprimé à son sujet à plusieurs reprises dans des ouvrages à grande diffusion. Ces derniers ont parfois suscité des jugements critiques sur sa compréhension de la relativité, par exemple concernant l’« hypothèse supplémentaire » de la contraction des longueurs, ou encore sa préférence affichée à la fin de conférences pour la mécanique newtonienne « pour ne pas troubler [nos] vieilles habitudes ». Se pose donc naturellement la question des rapports entre le Mémoire (œuvre scientifique), ces textes de vulgarisation des sciences et de leurs méthodes, et la « philosophie » ou l’épistémologie de Poincaré. Si les études sur sa « philosophie » et sa conception des mathématiques, en particulier de la géométrie, sont bien documentées, il nous a semblé que ce n’était pas le cas pour la mécanique. Nous montrerons qu’on ne peut lire les textes généraux de Poincaré sur la mécanique nouvelle en faisant abstraction des liens qui l’unissent à l’enseignement, en particulier dans le contexte de la réforme Leygues de 1902 de l’enseignement secondaire en France. Nous verrons que Poincaré ne fait en général dans ces textes qu’exposer et illustrer pédagogiquement la démarche historique de Hendrik-Antoon Lorentz, afin de familiariser son lectorat avec les nouvelles connaissances et sans reprendre ses propres apports théoriques du Mémoire, et que ses conclusions ne concernent que l’enseignement. Compte tenu de son importance et des questionnements qu’elle suscite encore aujourd’hui, nous revenons sur sa conférence « L’espace et le temps » de 1912. Elle témoigne de l’influence profonde de la « relativité physique » (de Lorentz) sur sa vision de la géométrie (appel aux lois physiques plutôt qu’aux instruments pour définir le groupe pertinent) et sur la signification du principe de relativité (existence de petits mondes indépendants) ; elle permet de mieux envisager ce qu’aurait pu être sa position vis-à-vis de la théorie de la relativité générale qui allait naître trois ans après.