Les chemins détournés vers une fécondité contrôlée : le cas du Québec, 1930-1970

Résumé Fr En

Ce texte vise à comprendre comment les couples franco-catholiques du Québec sont parvenus, malgré un retard certain, à contrôler leur fécondité dans un contexte socio-religieux particulièrement contraignant. Tirant parti du fichier des micro-données du recensement de 1971 ainsi que d’entrevues en profondeur, les auteurs identifient les groupes les plus susceptibles de transgresser les règles strictes édictées par l’Église catholique et démontrent le caractère souvent tortueux des chemins empruntés par les couples autant que par le clergé : choix d’un confesseur plus indulgent, principes moraux adaptables selon les situations, actions à double effet, autant d’exemples de stratagèmes utilisés pour parvenir à contrôler la fécondité sans compromettre sa fidélité à la doctrine catholique. L’arrivée de la pilule et la publication de l’Encyclique Humanae vitae marquent la fin du recours à de tels subterfuges et l’appropriation, par les couples, de cette question désormais devenue objet de morale personnelle.

This paper aims at understanding how French catholic couples in Quebec managed to limit the size of their families within a social and religious context particularly opposed to such practices. Using micro-level data from the 1971 census and information from in-depth interviews, the authors seek to uncover the groups most likely to circumvent catholic rules. The article also identifies some mechanisms, at times surprisingly paradoxical, used by both couples and priests to attain their goal while staying faithful to the Church. These include the search for a more lenient confessor, variable applications of moral principles according to the situation, and justifications based on a double act effect. However, the use of such stratagems becomes obsolete in the sixties with the availability of the pill and the publication of Encyclique Humanae vitae : most couples now act according to their own conscience and assume moral responsibility for the number of children they wish to have and which they actually bear.