«CERTES, VOIREMENT EST IL VOIRS » LA VRAIE IMAGE DU ROI ARTHUR DANS LES MANUSCRITS CYCLIQUES DU LANCELOT-GRAAL (FIN DU XIIIe-DÉBUT DU XIVe SIÈCLE)

Résumé Fr

Dans son article intitulé « Royauté et transcendance dans la fiction littéraire au temps de Philippe-Auguste », Dominique Boutet revient sur les transformations de l'image royale dans la littérature des dernières décennies du XII e siècle et en explique la dégradation comme « le fruit d'un changement dans la perception de la condition de roi », le résultat « d'une crise de la représentation de la royauté qui devient comme un symbole de la finitude de l'humanité ». Selon lui, « cette époque, à travers sa littérature, montre qu'elle pressent que la conception augustinienne de l'histoire a perdu de sa pertinence, […] mais cette vérité n'est pas encore acceptée comme telle ; les oeuvres les plus sensibles à cette crise s'accrochent encore aux conceptions qui rattachent fortement la royauté à la transcendance, tout en reconnaissant l'autonomie grandissante des forces individuelles qui l'attirent vers la pure immanence » 1. Parmi ces oeuvres, le cycle du Lancelot-Graal fait figure de proue, puisqu'il réunit des romans de l'extrême fin du XII e siècle et de la première moitié du XIII e qui illustrent pleinement les concepts majeurs de l'augustinisme politique tout en les intégrant dans une pensée de l'histoire qui formule explicitement la fin des temps arthuriens 2. C'est dans la droite ligne de ces travaux, et pour rendre au maître l'hommage qui lui est dû, que je voudrais revenir sur la représentation de la figure royale et sur les modes de pensée 3 qui y président dans le Lancelot-Graal, mais en prenant comme point de départ les images matérielles de la royauté qui nous sont parvenues dans les manuscrits et en choisissant de placer mon point de vue environ un siècle plus tard, au tournant des XIII e et XIV e siècles, au moment où le rapport de la royauté avec la transcendance revient sur le devant de la scène et où la rivalité entre le roi et le pape atteint son paroxysme. Avec comme présupposé l'idée que le manuscrit constitue une matrice qui met en jeu la réception du texte et en organise le commentaire dans un contexte historique et politique donné, j'aimerais analyser quel type de « supplément » l'image apporte à la représentation de la figure royale et à la façon dont elle était pensée au tournant des XIII e et XIV e siècles.