2024
Cairn
Gabriel Thibault et al., « La responsabilité civile du psychiatre au Canada lors du suicide d’un patient : une analyse fondée sur la jurisprudence », Santé mentale au Québec, ID : 10670/1.vx6xjj
Contexte Dans l’exercice de sa pratique, le psychiatre est couramment appelé à évaluer le risque suicidaire d’un patient et peut, par le fait même, engager sa responsabilité professionnelle et faire l’objet d’une poursuite civile en cas de décès de celui-ci. Malgré l’existence de lignes directrices et d’outils en matière d’évaluation et de gestion du risque suicidaire, la pratique du psychiatre est rarement standardisée. Peu d’études se sont intéressées à l’évaluation et la gestion de ce risque sous une perspective légale. Une connaissance de la jurisprudence pourrait soutenir le psychiatre dans l’élaboration de son plan de traitement, tant d’un point de vue médicolégal que pour améliorer les soins offerts. Objectifs Cet article vise à étudier la responsabilité civile du psychiatre à la suite du suicide d’un patient en analysant la jurisprudence canadienne dans une perspective d’amélioration continue de la pratique en portant une attention particulière à l’évaluation et à la gestion du risque suicidaire. Méthode Une revue systématique a été effectuée sur CanLII.org, une bibliothèque virtuelle d’information juridique canadienne permettant l’accès aux jugements rendus par des cours de première instance, des cours d’appel ainsi que ceux de la Cour suprême du Canada. La stratégie de recherche consistait à utiliser les mots clés « suicide », « psychiatrie », « faute » et « responsabilité » ainsi que leur traduction anglaise pour retenir les recours où un jugement fut rendu par la cour où au moins un psychiatre agissait à titre de défendeur ou codéfendeur à la suite du suicide d’un patient. Résultats Neuf recours correspondaient à nos critères d’inclusion. Puisque des éléments étaient d’intérêt pour notre question de recherche, il nous a paru judicieux d’inclure également 3 recours où le patient n’est pas décédé de sa tentative suicidaire, mais en a conservé des séquelles importantes. L’analyse des jugements a permis d’identifier les fautes alléguées les plus souvent reprochées au psychiatre par le demandeur et de présenter la position habituelle des tribunaux, et les arguments qui les sous-tendent. Les fautes alléguées peuvent être regroupées en 3 catégories, soit une évaluation du risque suicidaire jugée fautive, une gestion du risque suicidaire par des mesures d’encadrement jugée fautive et une omission d’avoir utilisé des mesures légales de garde alors qu’elles auraient dû l’être. Dans près de l’entièreté des cas, les tribunaux canadiens rendent une décision en faveur du psychiatre, démontrant une sensibilité à la réalité des psychiatres dans plusieurs situations. Les recommandations qui découlent de notre analyse de la jurisprudence canadienne appuient les lignes directrices des guides de pratique de l’ American Psychiatric Association et de l’Ontario Hospital Association en matière d’évaluation et de gestion du risque suicidaire, particulièrement au niveau du contenu de l’évaluation, des moments spécifiques de réévaluation et de la tenue de dossier. Conclusion La connaissance de la jurisprudence canadienne en matière de responsabilité civile lors du suicide d’un patient représente un atout supplémentaire pour la pratique d’une psychiatrie responsable et de qualité.