Investissement langagier et économie politique

Résumé Fr En Es

La notion d’ investissement langagier a fait l’objet d’une intense production scientifique depuis les années quatre-vingt-dix dans l’espace nord-américain, en particulier dans le champ de la linguistique appliquée. En analysant des données issues d’un terrain ethnographique sur les agences étatiques de contrôle et de placement des chômeurs en Suisse (équivalentes à Pôle emploi en France), je vais chercher à revisiter cette notion par le prisme de l’économie politique. Je montrerai que l’investissement individuel des chômeurs dans les processus d’appropriation des langues se confronte à des mécanismes institutionnels où l’incitation à suivre des cours de langues, ou la privation de l’accès à ces cours, est liée à une logique de retour sur investissement. En analysant les processus de décision d’allocation des mesures d’accès au marché du travail, je montrerai alors que l’investissement dans les langues est reconfiguré en termes d’ employabilité . Cette démarche permet de maintenir certains chômeurs dans une position de subalternité en les privant de l’accès aux ressources langagières qu’ils souhaiteraient investir, limitant ainsi l’espoir d’une mobilité professionnelle. Ces analyses m’amèneront alors à argumenter que l’agentivité postulée dans les travaux sur l’investissement doit être pondérée et requestionnée à l’aune des contingences structurelles dans lesquelles l’investissement (s’) opère.

Language investment and political economy The notion of language investment has been the object of considerable scientific interest since the 1990s, particularly within the field of applied linguistics. I will draw on data generated during ethnographic fieldwork focused on state agencies responsible for monitoring unemployment and providing job placements for the unemployed in Switzerland in order to propose a critique of language investment from a political-economic perspective. I will show that the investment of unemployed individuals in language learning processes comes up against institutional mechanisms in which the incentives for taking language courses, as well as the limitations of access to such courses, are linked to a logic of return on investment. In analysing the decision-making processes involved in the allocation of different degrees of access to the labour market, I will demonstrate that investment in languages is reconceptualised in terms of employability. This shift tends to maintain certain unemployed individuals in subaltern positions by limiting their access to the linguistic resources in which they seek to invest, thereby compromising their hopes of professional mobility. These analyses will lead me to argue that the idea that language investment is strongly related to agency and individual willingness must be tempered by a critical requestioning of this notion in light of the structural contingencies in which such investment takes place.

La noción de inversión lingüística ha sido objeto de un intenso interés científico desde los años 90 en Norteamérica, concretamente en el ámbito de la lingüística aplicada. Analizaré los datos obtenidos de un trabajo de campo etnográfico sobre las empresas estatales que se encargan de controlar el desempleo y ofrecer puestos de trabajo a los desempleados en Suiza para examinar esta noción desde un punto de vista político-económico. Demostraré que la inversión individual de los desempleados en los procesos de aprendizaje de lenguas se enfrenta a mecanismos institucionales en los que la incitación a recibir cursos de lenguas, o la limitación al acceso a dichos cursos, está unida a una lógica de rendimiento de la inversión. Tras analizar los procesos de decisión en cuanto a la asignación de las medidas de acceso al mercado de trabajo, demostraré que la inversión en las lenguas se ha reconfigurado en términos de empleabilidad. Este enfoque mantiene a ciertos desempleados en una posición subalterna al privarles el acceso a los recursos lingüísticos en los que les gustaría invertir, limitando así las esperanzas de una movilidad profesional. Estos análisis me llevarán a argumentar que la idea de que la inversión en lenguas está estrechamente relacionada con la agentividad y que la voluntad individual debe controlarse a través del cuestionamiento crítico de esta noción en función de las contingencias estructurales en las que tiene lugar la inversión.

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