2021
Cairn
Manon Lecaplain, « La revue du nu, reflet de la France fin-de-siècle », La Revue des revues, ID : 10670/1.w45481
À l’aube du xxe siècle, les revues du nu, catalogues de modèles photographiques, vendues sous pli fermé, fleurissent. Elles se veulent « à destination des artistes », ce qui en trahit l’ambiguïté. Revues de charme ou documents artistiques ? Leurs détracteurs les font poursuivre pour outrage aux bonnes mœurs. Pourtant, ces objets furent précieux pour les artistes : Picasso, Rodin, Maillol… Matisse et Fantin-Latour y puiseront un « monde de sensations ». Même leur présence à l’École des Beaux-Arts ne suffit pas à les sauver, et l’acharnement des ligues de vertu aura raison d’eux, à la veille de la Première Guerre mondiale. Sans légitimité artistique, ce sont des objets indignes d’étude. Textes et images construisent un discours genré, à destination d’un lecteur masculin : la femme y est un « sexe », une « race », une « pathologie ». Elle est Autre. Pourtant, miroirs des mentalités de leur temps, à la croisée des histoires de la photographie, de l’art, de la presse, des mentalités et du droit, les revues du nu révèlent des aspects de la société dont elles sont issues.