20 février 2015
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Samuel Pechin, « Le crépuscule de l'Éros adolescent dans l'Allemagne wilhelminienne : origines, enjeux et fonctions », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.w8emw3
La présente thèse est née d’une interrogation sur le véritable rôle de l’iconographie de l’Éros adolescent, c’est-à-dire de l’adolescent érotisé, dans la culture occidentale et plus précisément sur l’enjeu et les fonctions que représente son image en tant que symbole d’amour, de beauté et de désir dans le cadre de la pédérastie en Europe et plus précisément dans l’Allemagne Wilhelmienne dans le contexte de l’intensification de la répression sexuelle au tournant du XXe siècle. Pour les Grecs, c’est le corps juvénile masculin avec ses charmes particuliers qui représente le plus beau sexe et le bon objet de plaisir. C’est une erreur fondamentale de croire que cette beauté était valorisée à cause de son parentage avec le corps féminin. La beauté de ses traits était liée à un certain charme et à des caractéristiques particulière au corps et à l’esprit masculins en voie de se former : la vivacité de l’esprit, la vigueur, la résistance, la force, l’endurance, la ténacité, l’ardeur, la fougue et l’enthousiasme faisaient partie de cette beauté que les garçons se devaient de renforcer par la pratique régulière d’exercices intellectuels et physiques. L’éducation pédérastique des garçons, garante des valeurs masculines, assurait que leur grâce et leur raffinement ne sombreraient pas dans la mollesse et l’effémination. L’ambiguïté féminine, l’androgynie qui sera perçue plus tard comme une caractéristique de la beauté adolescente mâle, plus encore, comme la raison de cette beauté, était plutôt, à cette époque, ce dont les garçons devaient se préserver et être préservés. Ainsi, le statut du jeune mâle lui confère, depuis la Grèce antique, un rôle prédominant dans la culture occidentale et explique, en partie, l’omniprésence de ses représentations dans l’art et la littérature européennes jusqu’au XIXe siècle. Pourtant, l’iconographie et la propagande autour de son image se transforment progressivement et fatalement jusqu’à l’aube de la Première Guerre mondiale. C’est notamment l’association de son image à l’érotisme et la beauté qui devient progressivement un tabou honteux, voire pervers. Instrumentalisée et esthétisée selon les intérêts de différents groupes qui s’opposent, le contrôle de l’iconographie et de la sexualité de l’adolescent devient, de cette manière, un enjeu majeur du pouvoir à la fin du XIXe et au tournant du XXe siècle. Ce phénomène est européen mais le Reich wilhelminien, en construction et en quête d’identité, représente un exemple idéal pour analyser ce phénomène que nous replaçons, d’une part dans le contexte de la répression sexuelle et, d’autre part, dans le contexte des mouvements de jeunesse et de contestation qui se développent parallèlement au cours de cette période. Notre étude, basée sur des observations et des faits précis, a l’audace d’essayer de comprendre un phénomène tabou et représente une invitation à une réflexion sur le destin de la beauté masculine et des amours masculins dans notre société. Nous invitons le lecteur à remettre en question certaines de ses convictions et nous espérons réussir à redonner à l’Éros adolescent, trop souvent censuré et négligé, au moins partiellement, la place qu’il mérite dans l’histoire européenne en insistant sur le rôle qui fut le sien dans l’art et la littérature ainsi que sur les enjeux et les fonctions qu’il a si souvent représentés dans les conflits politiques et sociaux.