20 décembre 2023
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Martine Clouzot, « Figurer le sentir de l’ouïe », Arts et Savoirs, ID : 10670/1.wba0yz
Dans les manuscrits enluminés des xiiie et xive siècles, l’influence aristotélicienne sur les diverses figurations de l’ouïe se manifeste classiquement à travers les représentations des instrumentistes, dont les plus nombreux sont les jongleurs, les animaux musiciens et le roi David. Leur inventivité figurative est inédite et émerge à une époque de mutations sociales importantes et de réforme des mœurs imposée par l’Église (le concile de Latran IV en 1215). Dans ce contexte, l’écoute, perçue et figurée, est reconnue comme un agent émotionnel, pédagogique et édificateur, essentiel aux stratégies de communication sociale et affective des maîtres d’université, des prédicateurs, des trouvères et des concepteurs d’images. Héritées de l’antique rhétorique des passions, les figurations de l’écoute se comprennent dans une société fondée sur la religion du Livre et du Verbe. S’adressant aux sens pour viser l’âme, elles participent des réflexions théologiques et anthropologiques du temps sur l’humain – corps et âme -, sur son imago dans l’ordre de la Création. Par leur performativité, figurer l’ouïe participe d’une expérience sensible de l’écoute intérieure qui fait sens dans une société en quête d’idéal de transformation éthique ici-bas et spirituelle au-delà.