2 décembre 2004
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Charles Lancha, « Le mythe de la Révolution dans La danse sacrale de Alejo Carpentier », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.wfnf73
Comme Le royaume de ce monde, comme Le siècle des Lumières, La danse sacrale s’inspire étroitement de l’Histoire. L’Histoire, que Carpentier connaît en érudit, est au coeur de ses œuvres. La matière historique est abordée dans une optique toute personnelle. La guerre d’Espagne occupe une place de premier plan dans La danse sacrale. C’est que, aux yeux de l’auteur, au cours des années 1936-1939 , selon un mot d’ordre de l’époque : « EL FRENTE POPULAR DE MADRID ES EL FRENTE POPULAR DEL MUNDO ». L’Espagne est le terrain où les forces mondiales les plus réactionnaires se sont coalisées contre la République espagnole pour l’abattre. Carpentier dénonce la politique de non intervention pratiquée par les pays occidentaux, à l’origine de la défaite du peuple espagnol. Carpentier aborde la guerre d’Espagne surtout du point de vue des Brigades internationales. Ce qui l’intéresse c’est le sentiment internationaliste, révolutionnaire, qui anime les volontaires des Brigades. Un autre grand thème historique passionne Carpentier, la révolution russe et, d’une façon plus large, la politique suivie par l’Union Soviétique jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Il s’arrête longuement sur le Pacte germano-soviétique et sur la bataille de Stalingrad.De toutes les révolutions évoquées dans La danse sacrale c’est la révolution cubaine qui, tout naturellement, a inspiré le plus de passion à Carpentier. Il juge qu’elle occupe une place privilégiée dans l’Histoire. La vision de la révolution cubaine est transmise par les deux protagonistes, Vera et Enrique. Le dictateur Batista est présenté comme l’homme des Américains, un fantoche prêt à tous les crimes. L’auteur insiste sur la cruauté de la répression. Le roman ne propose pas une chronique minutieuse du processus révolutionnaire. Seule la bataille de Playa Giron est transcrite longuement. Carpentier excelle à exprimer la résolution du peuple cubain en ces heures cruciales. Il s’attache à suggérer l’élan collectif qui a présidé à la victoire. A l’évidence, dans le roman, l’objectif poursuivi est d’entonner un hymne à la jeunesse cubaine révolutionnaire, aux guerilleros, de mettre l’accent sur le caractère résolument novateur, en Amérique latine, de la révolution cubaine, sur sa rupture radicale avec le passé. En somme, La danse sacrale captive le lecteur par son ambition d’embrasser les grandes heures de l’Histoire contemporaine. Cette grandiose fresque témoigne avec talent de la foi révolutionnaire de Carpentier.