Proposition d'un nouveau concept limnologique et géopolitique pour penser les frontières lacustres : la "frontière limnique" du lac Peïpous

Résumé Fr

La frontière lacustre constitue un objet d'entre-deux à plusieurs niveaux. Entre terre et mer, les lacs et leurs frontières se trouvent également partagée entre limnologie et limologie. De par cette différence, deux visions de la frontière diffèrent sans chercher à se rejoindre. D'un côté, la frontière limnologique est marquée par sa verticalité et s'intéresse largement à des processus biophysiques complexes : étude de la répartition de la température au sein des masses d'eau lacustres pour comprendre la répartition de certaines masses de plancton, influant sur la répartition des poissons, étude de certains polluants ou de matières organiques permettant d'envisager l'eutrophisation de ces lacs naturels. Du côté de la géopolitique, la frontière constitue une ligne ou une zone, vue de face ou de dessus et résultat de la décision des sociétés. L'un des ouvrages de référence, Les lacs-frontière (PONDAVEN, 1971), repose essentiellement sur une vision juridique de la frontière lacustre. Ces deux visions ne se retrouvent pas alors que leur mutualisation peut permettre d'adopter une démarche géographique et systémique beaucoup plus poussée. La proposition de la frontière limnique doit permettre de croiser la vision géophysique et géopolitique à travers l'étude du fonctionnement géophysique du lac et les conséquences sur les activités et les représentations des populations. Cette proposition repose ainsi sur l'exemple du lac Peïpous, lac transfrontalier au contexte historique, hydrologique et géopolitique particulier qui permet la réalisation d'une double méthodologie, associant analyse chimique et biogéographique avec des enquêtes et entretiens des populations actrices et riveraines de ces lacs. Une démarche diachronique permettra d'intégrer les évolutions des frontières et les conséquences de changements politiques majeurs sur l'évolution des bassins lacustres et des territoires limniques respectifs. Le caractère rural de ce lac, en périphérie de l'Estonie et de la Russie permet d'illustrer un cas de gestion de la ressource en eau dans un contexte de faible densité, aux activités caractéristiques (pêche, tourisme culturel, espaces protégés...) mais aux répercussions politiques multiscalaires.