2009
Cairn
Vincent Message, « Les deux rois et les deux labyrinthes J.L. Borges, J. Joyce et l'idée d'efficacité romanesque », Littérature, ID : 10670/1.wnbfia
En s’appuyant sur les textes où Borges rend compte de ses lectures de Joyce, cet article cherche à voir comment les poétiques des deux écrivains s’éclairent mutuellement. Il se concentre en particulier sur un reproche que Borges adresse à Joyce à propos de Finnegans Wake : « Dans ce vaste ouvrage, l’efficacité reste une exception. » À partir de cette remarque, il s’agit d’analyser l’usage qui peut être fait de la notion d’efficacité dans la critique d’œuvres romanesques. La démonstration passe entre autres par une lecture de L’Histoire de deux rois et de deux labyrinthes de Borges : ce conte oriental, repris dans L’Aleph, est une réaction masquée à la lecture de Finnegans Wake et constitue une véritable parabole opposant Borges et Joyce, soit deux pratiques de la littérature. Si l’idée d’efficacité s’avère un concept utile à la réception d’un texte aussi excessif que Finnegans Wake, elle est en effet étrangère à l’esthétique de Joyce : l’écrivain organise son roman selon une métaphore cosmologique, comme un livre-univers, tandis que l’efficacité ressortit à une métaphore d’organisation économique des œuvres littéraires, dont Borges est beaucoup plus proche. L’idée d’efficacité apparaît ainsi comme un des produits de la tradition rationaliste occidentale contre laquelle Joyce n’a de cesse de lutter.