2022
Henri Isaac, « Quelle souveraineté numérique européenne ? », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.wniq1w
La domination des plateformes numériques américaines et chinoises en Europe a fait émerger une réflexion sur sa souveraineté numérique. Souvent peu définie, notamment dans le champ académique, ses défenseurs masquent mal des visées protectionnistes ou pires nationalistes sans que celles-ci n’apparaissent en elles-mêmes une solution, dans la mesure où l’Union Européenne est loin de posséder une réelle autonomie stratégique, particulièrement dans le domaine de des infrastructures et services numériques. En s’appuyant sur les travaux de Michael Mann sur la dynamique de constitution du pouvoir des États modernes, il est possible de mettre en évidence en quoi le pouvoir des plateformes numériques constitue une forme de remise en cause inédite de la souveraineté des États. En distinguant pouvoir despotique et pouvoir infrastructurel, Mann offre une grille d’analyse qui permet de mettre en évidence la constitution par les plateformes d’un pouvoir infrastructurel d’une forme nouvelle reposant sur les caractéristiques centrales de l’ère numérique, les réseaux et les données. Pour faire face à une telle menace, une approche fondée sur la reconstruction du pouvoir infrastructurel est ainsi proposée, qui dépasse une approche actuelle par trop fondée sur le rétablissement d’un pouvoir régalien, insuffisant à lui seul à rétablir la situation.