Marquer son territoire au sceau de l'universalité : la quête du primitif chez C. F. Ramuz

Résumé Fr

Naissant à l’orée du XXème siècle et encore trop méconnu du public français, l’œuvre de C. F. Ramuz se caractérise par des traits esthétiques remarquables, invitant à réfléchir sur la traditionnelle opposition appliquée aux concepts de local et de global. En effet, l’auteur francophone, originaire du canton de Vaud, s’inspire de son lieu natal pour asseoir la thématique de ses fictions. Néanmoins, ce motif localiste n’est qu’un prétexte : il s’agit d’évoquer le familier pour atteindre l’universalité, véritable crédo esthétique ramuzien gage de distanciation envers le courant régionaliste en plein essor en ce début de siècle ; car si l’œuvre de Ramuz est étroitement lié à un terroir, point commun avec les « défenseurs du réveil des provinces », en revanche, sa visée esthétique diffère de ces derniers par la suprématie accordée au travail de la langue et du style. Plus largement, la référence au global semble être un critère de légitimité esthétique. Dans ce contexte, Ramuz façonne son œuvre à l’aide de tensions antagonistes en montrant que local et global ne s’excluent pas mutuellement grâce à une pensée du primitif. L’étymologie nous renseigne sur le sens de ce terme : princeps désigne ce qui est premier. Aux commencements du projet scriptural, réside le pays, répondant à un imaginaire de l’origine, ancré dans le proche et le particulier, tandis que la visée esthétique de l’écrivain, rejoint la définition du primitif comme substrat profond de l’humanité, renvoyant à la dimension universelle de l’art. L’originalité de sa démarche réside alors dans une construction ambivalente du primitif permettant de comprendre les interactions entre local et global.