« Des figurines au secours de l'irreprésentable ? » Les cas de Kamp d'Hotel Modern (2005) et L'Image manquante de Rithy Panh (2013)

Résumé Fr

Toute victime de génocide fait face au paradoxe de Levi (Giorgio Agamben) : elle est soit un témoin intégral, donc disparu, et son expérience ne sera jamais retranscrite ; ou bien elle est rescapée et de ce fait son expérience de la mort ne sera jamais intégrale. Que ce soit du côté de la littérature ou de la représentation visuelle fixe ou animée, des problématiques similaires surgissent : que peut-on, que doit-on faire apparaître ? Quel est le statut de celui ou celle qui émet ce témoignage ou cette réflexion mémorielle ? Tous les supports sont-ils légitimes dès lors qu’il s’agit d’évoquer les massacres de masse contemporains ?À travers la performance filmée Kamp de la compagnie néerlandaise Hotel Modern (2005) et le documentaire L’image manquante du réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh (2013), ce sont deux expériences génocidaires bien distinctes dans le temps et l’espace qui se déploient. Pourtant, elles ont recours au même procédé de la figurine et du diorama en modèle réduit ; la caméra joue le rôle de liant entre les petits personnages d’argile, les images d’archive et les fonds sonores mobilisés. Cette esthétique des contrastes n’est pas sans surprendre : l’aspect enfantin de la figurine et du paysage recréé de manière (semble-t-il) naïve retranscrit une réalité historique, « adulte » éminemment tragique. Peut-on y lire alors une tentative d’humaniser ce qui a été déshumanisé tout en montrant le processus de réification de l’individu ? Il s’agit donc d’étudier dans un premier temps la captation de la figurine comme une nouvelle proposition de narration de l’irreprésentable ; puis, de questionner la réflexion en filigrane sur les pratiques filmiques, et notamment la relation entre le créateur et sa créature.