2007
Cairn
Ce que nous pouvons découvrir des rêves au xixe siècle nous vient des textes, et seule une minorité avait le temps, la capacité et le courage d’écrire. Les nombreuses correspondances féminines sont à cet égard sagement décevantes, les hommes surtout confessaient leurs désirs et leur plaisir. Pour entrevoir ce dont on rêvait hors d’un petit cercle, il faut repérer, dans les clés des songes, les termes qui apparaissent, disparaissent ou changent de signe, voir comment la campagne, d’abord liée aux travaux des champs, glisse vers le repos, ou comment la fabrique, d’abord menaçante, devient familière. Au-delà des thèmes, c’est le statut du rêve qui change, l’espoir d’un éclaircissement sur l’avenir reste fort mais l’attention se tourne de plus en plus vers une symptomatologie : le rêve dit les troubles du corps et annonce déjà le trouble de l’esprit. Pour cette raison, ou parce que les figures sataniques sont encore proches, beaucoup se plaignent de nuits perturbées. Aux visions de batailles, d’émeutes, s’ajoutent des cauchemars personnels : mort du père, femmes battues et, typique de l’époque, crainte de l’école, du maître, des punitions. En avance sur la libération psychanalytique, l’érotisme s’avoue franchement, dans des confessions d’une parfaite clarté. Les rêves du xixe siècle sont-ils différents de ceux qui les ont précédés ? En tout cas, le régime onirique a, lui, profondément évolué.