2013
Cairn
David Ranc et al., « La « démocratie corinthiane », un exemple d'organisation créative dans le football au temps de la dictature brésilienne », Humanisme et Entreprise, ID : 10670/1.wtnqmv
L’expérience originale de la « démocratie corinthiane » fournit un exemple particulièrement marquant de déviance créative dans le contexte de hiérarchies extrêmement pesantes à des niveaux multiples : celui du pays (la dictature sévissant au Brésil depuis 1964), celui du secteur (les structures traditionnelles du football). A la suite d’élections à la présidence du Sport Club Corinthians Paulista en 1981, le nouveau président Waldemar Pires engage un sociologue dissident au poste de directeur sportif : Adilson Monteiro Alves. En consultation avec les joueurs, les deux dirigeants instituent la démocratie participative dans le club : toutes les décisions sont votées par tous les membres du club qui disposent d’une voix chacun, y compris le personnel le plus en bas de la hiérarchie (jardinier, masseur etc.). Le nouvel entraîneur est élu de cette façon ; la mise au vert est abandonnée... Cette expérience démocratique presque unique dans le Brésil de la dictature est vite et abondamment médiatisée grâce à la figure de Sócrates Brasileiro, joueur du club et capitaine de l’équipe nationale du Brésil. Il prend un tournant plus ouvertement politique à l’occasion des élections de novembre 1982 – dans le cadre de l’Abertura, les premières depuis 1964 – quand les joueurs portent sur leur maillot une inscription appelant au vote. Le mouvement aboutit à un demi-échec : malgré un succès populaire et médiatique spectaculaire, il ne parvient pas à initier un retour à la démocratie. La postérité du mouvement de nos jours est encore moins certaine : la démocratie corinthiane peut s’enorgueillir d’avoir été le premier soutien du parti de Lula, au pouvoir depuis 2003 ; elle n’a pas fondamentalement révolutionné les structures et les pratiques du football pour les rendre plus égalitaires.