2018
Cairn
Thierry Brault-Vattier, « Le prix de l’aluminium depuis 1886 », Cahiers d'histoire de l'aluminium, ID : 10670/1.wyx93u
La question du prix d’un produit de commodité comme l’aluminium pourrait se résumer, selon la théorie économique classique, à une rencontre entre l’offre et la demande matérialisée par la fluctuation des stocks disponibles. Le prix serait ainsi le résultat d’un point d’équilibre trouvé par les agents économiques selon leurs attentes respectives. Cependant, en observant l’aluminium dans une perspective historique, la réalité apparaît plus complexe que le voudrait le modèle théorique. Une étude sur la longue durée montre en effet différentes phases dans la détermination du prix de ce métal qui induisent chacune des modalités particulières en termes de régulation du marché. Pendant longtemps, les échanges de l’aluminium furent régis par des prix « producteurs », souvent fixés en fonction de variables qui n’étaient pas le simple reflet du jeu de l’offre et de la demande. Puis, très vite, à certaines périodes, se développa également le principe de prix « concertés » - à l’échelle nationale ou internationale - qu’ils soient formels, dans le cadre d’une organisation en cartel, ou tacites en raison de la physionomie oligopolistique d’un marché sur lequel dominaient les six « majors ». Puis, dans les années 1970, se substitue aux pratiques antérieures un prix de « marché » avec la cotation en 1978 de l’aluminium au London Metal Exchange (LME). La régulation des prix change de mains, des producteurs vers le marché financier. Cette rupture rapproche le prix de l’aluminium du cadre théorique walrasien d’un équilibre optimal obtenu par le jeu de la concurrence. Libéré et mondialisé, le prix fourni par le LME n’est pas pour autant une valeur absolue, ni homogène ; il connaît des disparités selon les zones géographiques concernées et la position des acheteurs, du fait notamment de l’ajout de primes diverses, de frais de stockage, d’assurance etc. En même temps, l’hégémonie de la Chine dans la production d’aluminium primaire inquiète et porte une interrogation sur la nature d’un prix de « marché » à l’œuvre au sein du LME.