L’expertise en sciences sociales : une affaire politique ? Le cas de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses)

Résumé Fr En

On a parfois reproché aux agences sanitaires de techniciser et de dépolitiser les controverses scientifiques. Jusqu’à quel point le recours croissant aux sciences sociales par ces agences participe-t-il d’une dépolitisation de l’expertise sanitaire ? Révèle-t-il au contraire les dimensions politiques intrinsèques du travail d’expertise ? L’observation empirique d’expertises réalisées au sein de l’Anses montre que l’inclusion des sciences sociales dans l’évaluation des risques contribue à renforcer ses dimensions politiques, en accompagnant l’émergence de nouveaux enjeux, en faisant apparaître des intérêts ou des valeurs divergentes, ou en renouvelant les modalités d’expertise sur des questions plus anciennes. Elle met aussi en évidence les stratégies que déploient les experts en sciences sociales pour légitimer leur rôle singulier dans l’expertise.

Independent health agencies have often been accused of technicizing and depoliticizing scientific controversies. Does the fact that these agencies increasingly rely on social sciences contribute to a depoliticization of expertise relative to health issues ? Or does it reveal its underlying political dimension ? An empirical study of expertise carried out by Anses suggests that the inclusion of social sciences in risk evaluation reinforces its political dimension : through a contribution to the emergence of new issues, the explicitation of diverging interests and values, or by renewing expert procedures. The study also highlights the strategies adopted by social scientists to legitimate their role as experts.