2017
Dominique Barjot, « Rusal : l’émergence d’un challenger. Premiers résultats », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.xgr7pp
UC Rusal offre un bon exemple d’entreprise multinationale des pays émergents. Sa montée en puissance ne peut se comprendre sans tenir compte des conditions spécifiques de la genèse de l’industrie russe de l’aluminium, pendant la Première Guerre mondiale (rôle de l’Aluminium Français), puis de l’ascension de l’industrie soviétique, grâce à la construction de centrales hydroélectriques géantes en Europe (Dniepr, puis Volga et Kama) et en Asie : ainsi celles d’Irkoutsk et de Bratsk sur l’Angara, édifiées de 1954 à 1967, puis de Krasnoïarsk et de Saïano-Chouchensk sur l’Ienisseï. Elles ont offert l’opportunité d’y installer des usines d’aluminium parmi les plus puissantes du monde. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, l’industrie nationale de l’aluminium connaît une crise d’autant plus profonde que l’hyperinflation des années 1990 se combine avec la rupture des relations avec les usines d’alumine situées en Ukraine, au Kazakhstan et en Azerbaïdjan et l’effondrement de la demande nationale. Exposée aux appétits des traders étrangers (Marc Rich, Reuben Brothers, à partir de 1993, l’industrie russe de l’aluminium s’engage dans la voie de la privatisation. En profitent des groupes tels que TWG (Lev et Michael Cheney, 40 % de l’industrie nationale en 1996), AIOC (Marc Rich), BIAL, MIKOM, Renova et Alumin Product.À partir des années 2000, une recomposition s’opère autour de l’ingénieur et oligarque russe Oleg Deripaska, créateur du premier groupe intégré de Russie, Sibisky aluminium Group LLC en 1997, puis, après le rapprochement de ce même groupe avec Sibneft Oil Company, de Rusal en 2000. Au terme d’une succession d’opérations de restructuration, d’une fusion géante entre Rusal, SUAL Group et la branche alumine du groupe suisse Glencore, nait l’United Company Rusal en 2007. Il s’agit alors du plus important producteur mondial d’aluminium. Porté par la demande chinoise, le groupe accroît dans des proportions importantes sa production de 2006 à 2009, tirant avantage de sa position de leader en termes de coûts de production, mais souffrant d’une excessive dépendance par rapport à la demande européenne. UC Rusal produit alors l’essentiel de son aluminium en Russie (92,6 % dont 77,9 % en Sibérie), le solde en Suède, mais dépend beaucoup de l’étranger pour son alumine (Jamaïque, Irlande, Ukraine, Italie, Australie et Guinée).Durement affectée par la crise en 2009, UC Rusal retrouve la voie de la croissance jusqu’en 2014 au moins (+ 2,7% en an en moyenne pour le chiffre d’affaires, +18,3 % pour le résultat brut d’exploitation), grâce à la demande chinoise toujours, mais aussi allemande, espagnole et italienne. Toujours centrée sur la Russie pour son aluminium, en 2014, l’entreprise produit de l’alumine en Jamaïque (18,9 % du total), Irlande (16,5 %), Ukraine (13,3 %), Australie (11,5 %), Italie (9 %) et Guinée (5,4 %), le solde incombant à la Russie (25,4 %). Une telle diversification géographique se retrouve dans la répartition des approvisionnements du groupe en bauxite : Jamaïque (39,9 %), Guinée (27,8 %) et Guyana (7,6 %), mais aussi Russie (27,8 %). Cotée au NYSE comme à Moscou, Rusal demeure aujourd’hui, malgré la montée de la concurrence chinoise, le troisième producteur mondial d’aluminium, avec ses fonderies de Russie, de Suède et, maintenant, du Nigeria, mais le quatrième si l’on consolide les productions d’alumine et d’aluminium.