2 décembre 2021
Louise Dehondt, « Le Poète, la rose et le sablier. Représentations de la vieillesse féminine dans la poésie en langue romane de la Renaissance et de l'âge baroque », HAL-SHS : études de genres, ID : 10670/1.xgslft
Cette thèse consacrée à la représentation du grand âge au féminin se fonde sur un vaste corpus de textes italiens, français et espagnols, où poètes et poétesses canoniques de la Renaissance côtoient des auteurs dont les œuvres n’ont pas été rééditées depuis le XVIIe siècle, et est étayée par de nombreuses analyses picturales. Elle met en évidence la présence capitale et contrastée de la vieillesse dans la poésie satirique, amoureuse et spirituelle en langue romane de la Renaissance et de l’âge baroque. Au croisement d’enjeux sociaux, anthropologiques, théologiques, esthétiques et éthiques, la représentation de la vieillesse féminine est traversée par une série de tensions symptomatiques de l'altérité que représente le corps féminin âgé. La réflexion s’articule en quatre temps. Ce travail s’efforce tout d’abord de mettre en lumière les normes d’âge et de genre qui contraignent la représentation des parcours biographiques et de souligner la polarisation sans continuum des figures de vieilles femmes, partagées entre archétypes caricaturaux de femmes âgées et modèles spirituels en retrait du monde. Le deuxième temps de l’étude est consacré aux enjeux spécifiquement poétiques de la représentation de la vieillesse féminine. L’épreuve du temps, qui décompose l’harmonie et fait surgir le rire, interroge les codes poétiques dominants où beauté et jeunesse féminines sont étroitement associées. Mais loin de se cantonner à la production comique, la perspective de la laideur vieillissante se profile comme une menace dans les recueils amoureux qui accueillent alors des effets burlesques ou satiriques : l’étude de la représentation poétique de la vieillesse féminine met ainsi en lumière la porosité entre les codes amoureux et satiriques. Le troisième temps du travail est consacré spécifiquement aux innombrables satires obscènes et misogynes dont la violence ne peut que surprendre : l’intensité des émotions négatives, de dégoût et de haine, générées par la vieille femme dont le corps est présenté comme corrompu et la sexualité comme déviante souligne combien la figure de la femme âgée trouble les normes de genre et les rapports de pouvoir. Le dernier temps de l’étude s’attache à montrer comment la représentation du vieillissement enserre les modalités féminines d’inscription dans le temps. Le souci du temps qui passe, la hantise devant la fugacité de l’instant présent et la précarité de toute forme se trouvent exacerbés dans le cas féminin. Tandis que la saisie de l’occasion est réservée à une maîtrise masculine du temps, c’est d’abord sous la figure de la désorganisation et de l’aliénation que se trouve modélisée l’expérience féminine du temps.Ce travail sur un corpus ancien s’inscrit au cœur de réflexions et d’enjeux contemporains : il convoque l’histoire littéraire autant que les études de genre, restées longtemps relativement silencieuses sur la représentation de l’âge, et espère contribuer à une meilleure compréhension de nos imaginaires de la sénescence.