10 décembre 2022
Pierre François Julien, « À l’école de Jean-Pierre VernantRaisons et fondements d’une anthropologie historique de la Grèce ancienne », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.xj9tfd
À partir d’une lecture de La Traversée des frontières, cette thèse propose une analyse des relations tissées par Jean-Pierre Vernant « entre mythe et politique ». Le corpus concerné par cette enquête se compose d’une part des écrits de Vernant dont la publication est comprise entre 1946 et 1974, d’autre part des écrits qui reviennent sur le travail réalisé pendant ces années et publiés entre 1996 et 2004. Il est étayé des renseignements que peuvent fournir tous les manuscrits inédits de Vernant conservés à l’Université de Pise. D’un point de vue philosophique, notre thèse interroge la possibilité d’une anthropologie historique à partir de raisons d’ordre politique et épistémologique. La question qui oriente toute notre enquête se formule de la sorte : quelles raisons et quels fondements permettraient d’étayer l'hypothèse, qui est la nôtre, de la cohérence et de la pertinence d'une anthropologie historique élaborée à partir de déterminants marxistes et par une pratique scientifique en apparence madrée et pragmatique ? Cette question est soutenue par des enjeux qui font converger les urgences politiques – lesquelles impliquent qu’on réfléchisse au vivre ensemble – et la nécessaire prise en compte des pratiques humaines – comment une société peut-elle faire système, quand ses membres peuvent ne pas se comprendre entre eux ?Cette thèse tente donc de montrer comment et pourquoi l’anthropologie historique de Vernant nous est apparue comme le moment d’une pensée sur les sciences humaines qui autorisait une croyance (un espoir ?) raisonnable : on allait déchiffrer les conduites sociales mobilisant la psychologie humaine. Son ambition est d’aider à comprendre comment articuler de manière opérante la psychologie historique d’Ignace Meyerson, l’anthropologie de Louis Gernet et les motivations non pas idéologiques mais politiques de Vernant, dont les pratiques s’ancrent avec pertinence dans la réalité historique dont nous sommes comptables, lui et nous ? La thèse vise surtout à définir le plan conceptuel d’immanence d’une pratique scientifique et d’une représentation moralement responsables des sociétés qui ne sont pas la nôtre, par exemple celle des Grecs. Elle s'attache aussi à démontrer comment la pratique d'une science anthropologique et la déontologie qu'elle peut impliquer ne sont pas séparables des engagements politiques dont à l’instar de Vernant nous pouvons assumer la charge. Notre espoir consiste enfin à mettre à disposition de tous un modèle de pratique scientifique interdisciplinaire, et de le placer en quelque sorte au centre des études contemporaines. Vernant se trouvait à un carrefour, son œuvre est programmatique, mais une histoire des conduites humaines reste toujours à faire. Nous tentons d’en atteindre une étape, en cherchant chez Vernant une conception prête à réaliser une telle ambition et prête à faire, encore, école.