Identifier, connecter, localiser : La bio-identité des suspects génétiques en Europe

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La circulation des données génétiques et des informations sur les suspects d’infractions pénales se développe en Europe. Dans quelle mesure les pratiques sociales de la génétique dans le contexte policier et judiciaire européen transforment-elles ce que les anthropologues appellent, le plus souvent pour l’appliquer au domaine médical, la « bio-identité », lorsque celle-ci concerne les suspects d’infraction ? Des campagnes d’entretiens avec des policiers et des gendarmes ainsi que l’étude d’affaires pénales permettront de dégager trois rôles possibles de l’A dn dans ce contexte : l’identification des personnes, la connexion entre des dossiers pour des infractions mineures et, dans une moindre mesure, la localisation des suspects. Les bio-identités de suspects qui s’en dégagent relèvent à la fois des vies biologiques anonymes (dans le registre de la comparaison) et des sujets individuels (dans le registre de la caractérisation), qui passent parfois du domaine délictuel au domaine criminel par le biais de l’A dn. Plus généralement, le rôle prépondérant donné à la police sur la justice en Europe facilite globalement la mobilité des informations et la constitution d’une bio-identité de suspects continentaux, à la fois étendue et durable. En somme, en proposant un déplacement du domaine médical au domaine pénal, des associations de malades aux rapports entre police et justice, l’analyse sous l’angle des bio-identités donne la possibilité d’examiner à nouveaux frais l’articulation entre la vie biologique et la vie sociale.

‪Genetic data and information on individuals suspected of criminal offences are increasingly being circulated in Europe. To what extent are the social practices of genetics in the context of policing and the justice system transforming what anthropologists call « bio-identity », a term generally applied to the medical field, but used here to refer to individuals suspected of offences ? Through a series of interviews with police officers and the study of criminal cases, three possible roles for D na in this context are defined: identification of individuals ; making connections between cases in minor crimes ; and, to a lesser extent, location of suspects. The bio-identities of suspects that emerge relate both to anonymous biological lives (at the level of comparison) and to individual subjects (at the level of profiling) who are sometimes moved from the realm of minor offences to that of major crime on the basis of D na identification. Moreover, the dominant role the police are given over the justice system in Europe facilitates pan-European circulation of information and the constitution of a continent-wide bio-identity of suspects which is both far-reaching and lasting. More broadly, this analysis of bio-identities posits a shift from the medical to the penal domain and from links between patients to relations between the police and the justice system, and hence offers the possibility of a fresh take on the articulation between biological life and social life.‪

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