2010
Cairn
Éric Guillet, « Les courbes et les droites. Patience en Allemagne et impatience en France à l'époque révolutionnaire. L'interprétation de Jean Jaurès », Annales historiques de la Révolution française, ID : 10670/1.xsip6g
Dans son Histoire socialiste de la Révolution française, Jaurès consacre à « La Révolution et l’Europe » cinq cents pages dont la moitié à « La Révolution et l’Allemagne ». Cette approche comparatiste foncièrement ouverte oppose, certes de façon traditionnelle depuis Mme de Staël, une culture allemande apolitique, cultivant l’attente patiente de jours meilleurs, à une culture française très politisée de l’action immédiate, mais croit, malgré une certaine préférence ethnocentrique pour l’impatience révolutionnaire française, qu’un rapprochement entre les deux cultures est possible et même souhaitable. Cette comparaison est aussi pour notre historien philosophe l’occasion de percer le secret de l’origine des révolutions. Mais on peut aussi reprocher à Jaurès que l’Allemagne qu’il dépeint, même s’il en éclaire le contexte politique et, chose nouvelle en 1900, économique, se réduit peut-être trop à celle, certes substantielle, des grands penseurs (Kant, Schiller, Forster, Fichte…) et néglige le pays « profond ». Nous nous proposons ici d’analyser, dans ses grands traits, avec ses points forts et ses faiblesses, l’image que Jaurès donne de l’Allemagne de la fin du XVIIIe siècle.