23 mai 2018
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Hadrien Fouillade Orsini, « La concentration du crime et les caractéristiques de l'aménagement de l'espace urbain à Marseille », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.xtiuoe
Il semble communément admis que l’espace et le crime sont intimement liés. L’origine sociale du délinquant et les caractéristiques sociales des quartiers criminogènes ont souvent été mises en avant comme facteurs explicatifs de la concentration de la délinquance. Pourtant la localisation du crime ne semble pas être due au hasard. L’espace joue un rôle primordial tant dans la manifestation du crime que dans sa persistance. Etudier le crime du point de vue géographique et de l’analyse spatiale nécessite à la fois une définition précise de l’acte ou du comportement illicite, mais également une quantification ainsi qu’une géolocalisation à l’échelle la plus fine possible. En France le niveau départemental voire communal représente le niveau le plus bas disponible en termes de statistiques criminelles. Cependant l’analyse de la relation entre l’aménagement de l’espace urbain et la distribution spatiale du crime nécessite une donnée à l’échelle de la rue. L’agglomération de Marseille a été retenue comme espace d’étude en raison de son profil économique et social particulier. La capitale régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur compte un nombre important de quartiers concernés par la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. Elle se caractérise aussi par son titre controversé de ville la plus criminogène de France. Cette idée forgée au cours du 20ème siècle a été alimentée par le rôle de Marseille comme principal port de l’Empire Colonial Français. Les marchandises illicites surent profiter des lignes commerciales régulières pour entrer sur le territoire national via le port. Au lendemain de la seconde guerre mondiale la ville devint la capitale mondiale de la transformation de la morphine-base et de l’exportation de l’héroïne jusqu’à ce qu’en 1969 le président des Etats-Unis d’Amérique : Richard Nixon décide de mener une lutte farouche contre le trafic de stupéfiants à destination de son pays. Entre récession économique et trafic dynamique de la drogue, Marseille est chaque année concernée par près d’une quinzaine d’homicides majoritairement liés à la guerre des voyous pour le contrôle du trafic de stupéfiants. Ces « règlements de compte entre malfaiteurs» d’après la désignation officielle ne représentent qu’une infime partie de la délinquance sévissant dans la commune. Cependant ces meurtres qui sont assez rares pour être systématiquement rapportés par les différents médias sont suffisamment nombreux pour permettre une cartographie de la délinquance suite au référencement de chaque homicide dans un système d’information géographique. Une fois les analyses spatiales de la distribution d’un semis de points effectuées, une analyse d’image par morphologie mathématique a été réalisée pour délimiter scientifiquement les zones de concentration du crime. L’objectif de la recherche consistant à identifier les caractéristiques de la configuration géographique de l’aménagement urbain qui permettent d’expliquer la distribution spatiale du crime. Différentes représentations de l’espace urbain et des réseaux spatiaux convertis en graphes primaux ou duaux ont été utilisées pour discerner les quartiers les plus isolés et à l’inverse les lieux les plus centraux et intégrés. Aux différents indices mathématiques de centralité calculés sur les réseaux spatiaux s’ajoute une représentation des interactions entre les espaces ouverts sous la forme d’un graphe conçu d’après la théorie de la syntaxe spatiale. Les différents indices calculés devant vérifier si les zones de concentration des règlements de compte entre malfaiteurs à Marseille sont systématiquement localisées dans des quartiers facilement accessibles comme le laisserait suggérer la présence d’un trafic de drogue dynamique ou au contraire dans des lieux ségrégés et difficiles d’accès pouvant expliquer la dégradation urbaine et sociale perceptible dans ces espaces.