2021
Cairn
Patrick Tort, « Première révolution : l’émergence logique du principe sélectif : Introduction », La Pensée, ID : 10670/1.xyqwul
[Les deux textes qui suivent articulent d’une manière nouvelle des éléments empruntés à plusieurs exposés didactiques antérieurs portant sur la relation entre biologie évolutive et théorie de la civilisation chez Darwin.]La structure logique de la théorie darwinienne de la transformation des espèces par sélection naturelle, telle qu’elle se dégage à la fin de l’année 1859 de L’Origine des espèces, est indissociable de sa genèse, et mobilise successivement et complémentairement le modèle de l’activité sélective des éleveurs et des horticulteurs (sélection artificielle) et celui, issu de Malthus, de l’antagonisme entre pressions de population et ressources. Autour d’un schéma didactique qui s’est imposé depuis les années 1980, Patrick Tort réexplique ici les bases de la théorie de la descendance modifiée par le moyen de la sélection naturelle, sa rupture avec la théologie naturelle providentialiste, et son détournement précoce par la philosophie politique et sociale du système économique libéral, doublement incarnée par Spencer (« darwinisme social ») et Galton (eugénisme). C’est cette puissante annexion qui rend compte historiquement de l’occultation et de la dénaturation des thèses que Darwin soutiendra onze ans plus tard, en 1871, dans La Filiation de l’Homme, sur l’évolution des sociétés humaines et de la civilisation – thèses qui s’opposent diamétralement au dogme éliminationniste auquel l’intégrisme libéral militant, figeant sa lecture sur la seule Origine des espèces, a longtemps enchaîné le nom du naturaliste.