10 septembre 2021
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Bernard Vouilloux, « Les dessins non exposés de Louis-René des Forêts », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.xyz7yk
Lorsqu’on mentionne, décrit, reproduit ou expose les dessins de Louis-René des Forêts, il s’agit toujours de ceux qu’il réalisa entre 1971 et 1974, soit un peu avant la fin de la période, longue d’une dizaine d’années, où il cessa d’écrire. Ses lecteurs savent comment le « vœu de silence » (Pascal Quignard) qui, depuis au moins l’époque du Bavard, était indissociable de son expérience de l’écriture face au théâtre social de la parole fut traversé un jour de juin 1965 par « le trait fulgurant venu en une seconde frapper, déraciner, trancher au plus vif, mettre en pièces ». Un plus profond silence s’établit, qu’occuperont tant bien que mal des tâches qu’il faudrait dire périphériques ou marginales – ce qui n’est pas en diminuer l’importance. Celui qui considérait qu’un écrivain qui n’écrit plus n’est plus un écrivain ne pouvait en effet que juger telles les activités qui le détournèrent de l’occupation et de la préoccupation qu’il tenait pour centrales. C’est dans la vacance de ce temps dévasté qu’apparaissent ces si singuliers dessins que la diversité, la complexité et l’originalité de leur construction, leur densité d’énigmes et leur éclatante étrangeté désignent a priori comme des « compositions ». Mais « composés », ils le sont aussi au sens où la musique – et l’on sait combien cet art compta pour l’auteur d’Ostinato –, de par sa double structure, mélodique et harmonique, exige que les sons le soient, au gré d’agencements formels comme les accords, le contrepoint, la fugue. Leur dimension fantastique-fantasmatique, relevée par tous les commentateurs, à commencer par Pierre Bettencourt et Pierre Klossowski, qui ont encouragé et en quelque sorte parrainé l’activité graphique de des Forêts, participerait de l’effet de basse continue qui lie entre elles les compositions. Si l’intérêt porté à ces dessins depuis la toute première exposition dans laquelle ils figurèrent, en 1971, est pleinement justifié, beaucoup ignorent cependant qu’ils furent précédés, puis accompagnés, voire peut-être suivis, de bien d’autres (cent trente-deux au total), qui s’en différencient par beaucoup d’aspects et qui ne sont pour ainsi dire jamais sortis des carnets et des cartons conservés par Guillaume des Forêts. C’est sur ces dessins que porte l’étude : ils modifient substantiellement la compréhension que l’on pouvait avoir des dessins exposés et permettent de mettre au jour les liens qu’ils entretiennent avec Ostinato.