2020
Mélanie Lucciano, « Socrate dans le De Magia d'Apulée: représentations, apparences et reflets », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.y2llhb
Lorsque Apulée se réfère à Socrate, que cela soit dans les Métamorphoses ou dans le discours de défense prononcé face à Claudius Maximus, l’Apologie ou De magia, il met en place des procédés de décalage et d’inversion par rapport à la figure du philosophe athénien telle qu’elle apparaît chez les premiers Socratiques, Platon au premier chef. En ce sens, Apulée, philosophus Platonicus selon ses propres dires, doit concilier son appartenance philosophique à la pratique judiciaire romaine : Socrate est donc tour à tour un modèle assumé, puis condamné comme inopérant, suivant la tradition cicéronienne du De oratore. La figure socratique reste néanmoins sous-jacente dans toute l’argumentation par le ressort du principe de καλοκἀγαθία : si l’on peut tracer un parallèle esthétique et donc éthique entre la beauté des discours et leur véracité, c’est-à-dire ici l’innocence de l’accusé, Apulée se présente néanmoins lui-même sous des traits altérés, laissant ainsi penser que l’apparence ne peut faire l’économie d’une herméneutique. Cette articulation entre surface et profondeur se retrouve dans l’anecdote relative à l’usage philosophique du miroir fait par Apulée à la suite de Socrate lui-même : la référence au philosophe athénien permet ainsi à la fois une définition de soi, entre philosophus, magus ou encore poeta, et une pratique spirituelle. L’examen du reflet, par son caractère labile, pose la question de la ressemblance du sujet à son image dans le passage d’une vision sensorielle à une perception intellectuelle. Socrate dans le De magia est donc celui qui permet une juste perception de soi-même et du monde par l’apprentissage de l’usage correct des mots et des images.