2020
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Yves Citton, « Instaurer des universités « créatives » à la rencontre des sciences et des arts : quelques propositions », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.y7rq1v
Le vocabulaire « créationniste » mérite de susciter notre suspicion, en dehors même des idéologies religieuses qu’il charrie chez les chrétiens mobilisés par des croisades anti-darwinistes1. La référence à l’activité créative chez les humains demande en effet à être dégagée d’une triple gangue qui l’expose aux appropriations les plus douteuses. La première est la gangue romantique, nourrie elle-même de créationnisme religieux, qui projette sur le génie une faculté quasiment transcendante de faire advenir à l’être quelque chose issu de rien, sinon d’une puissance purement interne à l’individualité créatrice. La deuxième est la gangue « Bohème », qui assimile le créateur à l’individu d’exception, au sein de milieux déterritorialisés alimentés par la seule force de volonté des imaginations qui les habitent. La troisième est la gangue « néolibérale », qui traduit la création en termes d’« innovation », c’est-à-dire qui la juge selon sa seule capacité à générer des produits marchands pouvant faire l’objet de captation de profits, à travers la mainmise sur des droits de propriété et la commercialisation de masse.